Je dois bien avouer que j'avais de grandes attentes pour ce film. Une chose est certaine, c'est que Moonlight n'y a pas répondu...


Le film nous présente l'évolution et la transformation de Chiron à travers trois âges clefs. L'enfance, l'adolescence, l'âge adulte. Une tranche de vie découpée en trois chapitres censés représenter la construction d'un jeune noir gay dans une Amérique difficile.



At some point, you gotta decide for yourself who you're going to be. Can't let nobody make that decision for you.




  • Little
    Little est un petit garçon taiseux martyrisé entre la souffrance physique que ses compagnons de jeux lui administrent et la souffrance psychologique que son foyer lui adresse quotidiennement. Il trouve alors un père de substitution en la personne de Juan, dealer au grand cœur touché par cet enfant qu'il voudrait aider.



I ain't feeling good. I need something to help me out.




  • Chiron
    Chiron est un adolescent qui a compris ce qui l'entourait mais qui ne s'est pas encore trouvé. Marqué par les mêmes souffrances qui n'ont fait que gagner en intensité, il découvre en même temps les premiers plaisirs....



I'm me, man. Ain't trying to be nothing else.




  • Black
    Black est un homme solide, un roc, THE man. Du moins, c'est ce qu'il est en apparence. Car intérieurement, Black est toujours ce Little Chiron...


Trois chapitres, trois fois la même sensation. C'est tout? Une impression de vide me submerge quand le film s'arrête. Alors ne nous méprenons pas, les scènes sont très bien réalisées (la scène au restaurant de la troisième partie en est la preuve), l'image est splendide. Mais j'ai une impression de déjà vu. La mère toxicomane, le gamin devenu punching ball ambulant pour ses camarades de classe, le 50 Cent dealer, bref, je me noie dans ces clichés de l'Amérique noire...


Je voulais un film retraçant une évolution, or du début à la fin, ce petit garçon qui nous est apparut au départ n'a pas évolué d'un iota... Certes, son corps s'est transformé mais son mutisme est toujours présent. Mutisme qui fonctionnait très bien dans le premier chapitre mais qui sonne comme une facilité scénaristique dans la deuxième partie. Et pendant qu'on parle de facilité scénaristique, le passage d'un âge à l'autre semble être à chaque fois le cas. Ces ellipses scénaristiques occultent beaucoup de choses intéressantes.


Juan, personnage intriguant, est coupé de l'histoire entre deux chapitres. Sa mort accompagné d'aucun autre détail nous coupe de l'élément le plus intéressant à mon sens : le dealer confronté aux conséquences humaines de son gagne-pain. Comment pouvoir rester un père de substitution pour un enfant et l'aider à grandir quand on est en partie l'instrument de la dévastation de son cercle familial? Pourtant le fait qu'il soit encore plus proche de Teresa dans le deuxième chapitre prouve que leur lien avait encore grandi...
Une confrontation entre Teresa et Black aurait également été intéressante maintenant qu'il est devenu la copie ambulante de Juan dans la troisième partie (la couronne sur le tableau de bord de sa voiture est placée là pour qu'on ait aucun doute à ce sujet). Or s'il l'évoque en allant parler à sa mère placée dans un centre de désintox (à moins que ce ne soit un hospice de luxe?), elle est occultée à son tour entre le deuxième chapitre et le troisième...


J'adore la pudeur et la poésie qui se dégage du récit. Les scènes sont bien construites, on ne nous en montre jamais de trop, et même dans la violence, il se dégage une certaine légèreté. Un monde sombre rentre dans l'océan de la vie pour ressortir des eaux en univers coloré... La définition de cela est la scène du premier chapitre où la mère de Chiron lui crie dessus, le son est coupé et on voit juste la violence sur le visage de la mère qui se tient devant un fond sombre mais dont le rosé illumine l'écran.


Mais un film, c'est aussi un final. C'est la dernière scène qui restera dans les esprits ou du moins la dernière scène finalisant le scénario.


Or ici quand Black dit à Kevin qu'il est le seul à l'avoir jamais touché et que celui-ci, le regarde avec un léger sourire moqueur. Cette scène me parait pathétique. Sans doute, elle le serait moins si Black ne s'était pas tant transformé physiquement en tant que G certifié par la rue. Il est parti en prison où manifestement il s'est transformé en gangster en étant pris sous l'aile d'un caïd (or on sait ce qui arrive aux gamins chétifs et muets en prison, vu que l'on navigue en plein cliché tout le long du film...). On le retrouve dehors en tant que P.I.M.P. avec sa caisse montée sur des jantes démesurées, son corps bodybuildé à l'extrême, ses grillz plaqués en permanence sur ses dents, mais personne ne l'a jamais touché et il est toujours resté sagement dans son coin... Pourquoi développer pareille image alors? Parce qu'il doit avoir le code vestimentaire de la profession? Je ne pense pas, à part être le premier arrêté au moindre contrôle, il n'a rien à y gagner... Et en le voyant tête sur l'épaule de Kevin, on ne sait pas ce qu'il en est, ce qui est fait exprès et laisse une fin ouverte. Chose que j'aime bien généralement, que ma manière de penser ne doit pas être dictée par le cinéaste mais libre à l'interprétation. Mais ici alors que j'ai l'impression d'assister à des scènes dispersées sans avoir l'histoire complète, cela ne fait que renforcer cette impression amère...


Le film nous vend aussi une certaine vision de ce que c'est d'être homosexuel (le marketing nous le vend et l'idée est ancrée, du coup, on part de cette présomption comme fait de départ) dans un milieu difficile. Mais personnellement je ne suis pas convaincu du tout de l'homosexualité de Chiron. Je m'explique. Chiron est un gamin renfermé, taiseux et qui préfère attendre que la tempête ait cessée avant de reprendre sa route. Pour ces raisons, il se fait traiter de pédé, ce qui est encore tristement une des pires insultes pour un enfant dans une cour de récréation (ça et fils de pute, même combat). Cette idée lui est mise en tête alors qu'il est encore tout petit et qu'il n'a juste pas de sexualité. Ensuite alors qu'il est adolescent et qu'il n'a ni ami, ni certainement pas la côte avec la gente féminine étant donné son degré de popularité proche du néant; il a sa première et unique expérience sexuelle (qui ne consiste qu'en un baiser et une branlette qu'il subit en étant défoncé plus qu'autre chose). Alors oui, ne connaissant rien, je suppose qu'il y a pris un plaisir. Mais s'il se retrouve dans l'âge adulte plus tard n'ayant jamais eu le moindre contact physique reçu ou donné avec qui que ce soit, est-il homosexuel? Je ne pense pas. Selon moi, il est juste incapable de rapports relationnels ce qui l'attache à la seule personne qui lui a jamais fait vivre quelque chose... C'est ce qui rend son personnage différent, c'est ce qui rend son personnage touchant...


Bref, Moonlight se voulait être marquant et représenter une image forte de ce qu'est c'est d'être noir et gay aux USA. Mais bien que les scènes sont parfaitement construites, je n'ai pas l'impression qu'on m'ait conté grand-chose. Un film sur la construction identitaire, alors qu'aucune évolution est affichée. Certains y trouveront une beauté justifiée par une représentation de ce qu'est la vie et qu'on est tous des mômes qui grandissent, mais pour ma part, je ne ressens qu'une absence intérieure en y repensant...



No. You're not a faggot. You can be gay, but you don't have to let nobody call you a faggot.


MathiasBaum
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le 7 févr. 2017

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