Barry Jenkins aura mis du temps à faire son deuxième film, et on peut aisément s'imaginer que vu le sujet ça n'a pas du être facile de porter à l'écran une telle oeuvre. Car des films qui traite de l'homosexualité chez les jeunes noirs ne courent pas les rues, surtout dans un tel contexte. Mais on comprend assez vite pourquoi Jenkins à tenu à raconter cette histoire, qui est incroyablement proche de la sienne. Le film est autobiographique, même si il est inspiré de la pièce de théâtre de Tarell Alvin McCraney, on sent qu'il est très personnel pour le cinéaste qui traite son sujet avec beaucoup d'émotions. Un sujet qui mérite que l'on s'y attarde et qui semble avoir touché pas mal de monde vu les critiques dithyrambiques qui ont accompagné le film, ainsi que son succès aux Golden Globes et ses nombreuses nominations aux Oscars. Vendu comme un chef d'oeuvre, Moonlight est un film important mais majoritairement surestimé.


Le sujet du film, l'homosexualité d'un jeune noir au sein d'un quartier pauvre et difficile, est assez unique dans le paysage cinématographique ce qui fait au final toute l'attraction de l'oeuvre. Car malgré ce que l'on peut en dire, lorsqu'on y regarde de plus près, le traitement en lui-même n'est pas des plus originales. Ce qui va nous faire suivre Chiron de son enfance à l'âge adulte, est une quête identitaire des plus classiques, qui trouve sa particularité dans son contexte. On va passer par tout un tas de développement assez attendus que ce soit la relation avec une figure paternelle forte et compatissante qui va guider le protagoniste, un amour qui va le forger, une relation conflictuelle avec sa mère qui va l'ébranler et des conflits qui vont le faire s'interroger sur qui il est. Au final sa sexualité, même si au cœur des réflexions de Chiron, reste un élément de ce qui va faire de lui l'homme qu'il sera à la fin et n'est pas nécessairement primordial au film. Le scénario s'interrogeant plus sur ce qui constitue un homme selon les critères établis par la société dans laquelle vivent les personnages, qu'est ce que la virilité, qu'est ce que la force ?


C'est vraiment là, que l'ensemble trouve une très belle justesse. Car malgré son côté classique, Moonlight reste un film qui touche. On arrive vraiment à s'attacher au personnage et à se captiver par son vécu, le tout trouve une forme d'universalité dans son parcours. On s'est tous à un moment ou une autre interrogé sur nous-même. Structuré en 3 actes bien distincts, le film en devient par moments très mécaniques dans son déroulé, alors qu'il aurait gagné à avoir un récit plus aéré surtout avec son deuxième acte bien moins maîtrisé. Attendu dans son déroulé et trop téléphoné dans ses dialogues, la partie adolescente est ce que le film offre de plus traditionnel et inintéressant, le tout aurait gagné à prendre moins de place. Cela aurait permis de développer un peu plus la partie adulte, très réussie et plus forte montrant l'héritage que la vie a eu Chiron de manière symbolique et bien pensée. Un vent de fraîcheur se dégage de ce dernier acte mais il est trop rapide dans son déroulé alors qu'il aurait mérité à être plus développé. La structure souffre des mêmes défauts que The Place Beyond the Pines de Derek Cianfrance, où le deuxième acte fait un ventre mou au film tandis que le troisième évoque avec habilité le premier en montrant les répercussions du fantôme d'un des personnages. Comme ce dernier, Moonlight bénéficie d'un premier chapitre fantastique grâce à la présence d'un personnage bouleversant dont le film ne se remettra jamais vraiment de sa disparition.


La figure paternelle qui guide Chiron au tout début, est un personnage d'une extrême sensibilité, écrit avec finesse et qui marque durablement le spectateur. C'est avec lui que l'on vivra les scènes les plus fortes du film, dont une par sa justesse et sa précision arrive à émouvoir jusqu'aux larmes. Le personnage est d'ailleurs servi par un acteur fantastique, Mahershala Ali offre une prestation toute en retenue et sidérante qui fait qu'il mérite amplement de gagner l'Oscar du meilleur second rôle masculin. On n'en dira pas autant pour Naomie Harris qui offre une performance trop consciente d'elle-même pour sonner juste. Elle force un peu trop l'excentricité de son personnage et est bien trop à la recherche de la prestation qui marquera les esprits. Par contre le reste du casting est vraiment excellent, les trois acteurs qui incarne Chiron arrive tous à trouver la justesse et la densité pour exprimer le malaise de leur personnage, même si on retiendra surtout son incarnation adulte incarnée par un Travente Rhodes plus dense et subtil surtout qu'il partage une alchimie évidente avec le très bon André Holland qui apporte une légèreté bienvenue en fin de film, par son interprétation chaleureuse et compatissante.


La réalisation arrive à trouver un compromis intéressant entre le côté "cinéma vérité" par sa caméra à l'épaule et son aspect très âpre et un côté plus esthétique grâce à la composition habile de ses plans et sa photographie léchée où les couleurs chaudes et les couleurs froides sont toujours en confrontations donnant un rendu tantôt apaisant et tantôt brut toujours en étant visuellement très recherché. De plus, le montage se montre par moments audacieux dans l’enchaînement de ses scènes pour symboliser l'état d'esprit tourmenté des personnages. L'ensemble se couple avec la mise en scène inspirée de Barry Jenkins qui embrasse les personnages, captant avec attention le jeu des regards et parvenant à souligner l'empathie et la chaleur éprouvées pour le personnage principal malgré la dureté et la froideur de son quotidien.


Moonlight est donc un très bon film, à la fois sensible et touchant, il traite avec justesse d'un sujet important et souvent passé sous silence. Mais malgré son sujet bien trop discret dans le paysage cinématographique, il le traite de manière assez classique. Par moments de manière assez téléphonée même, avec un second acte moins maîtrisé et plus attendu que le reste. Pourtant c'est quelque chose dont on passe assez outre face à la sincérité de l'oeuvre, Barry Jenkins met son cœur dans ce film et cela ne peut laisser indifférent. Surtout que celui-ci côtoie souvent l'excellence par son travail visuel mais aussi la qualité de son interprétation. On reprochera surtout la structure mécanique du récit au final, qui sacrifie un peu son dernier chapitre très réussi au profit d'un deuxième un peu mou mais on reste encore ému par une première partie qui fait un sans faute. Donc Moonlight est loin du chef d'oeuvre annoncé mais il reste un film important et nécessaire qui fonctionne à merveille. Un très beau film qui se doit d'être vu.

Créée

le 6 févr. 2017

Critique lue 613 fois

8 j'aime

Flaw 70

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