Come in for a coming out…
Je dois avouer que ce film m’a tout d’abord laissé perplexe. Au début, je me suis même demandé s’il méritait bien son Oscar. Presque deux heures pour assister à un coming out, ça paraît par moments un peu long. Si vous aimez les rythmes haletants et les scènes d’action vous serez déçus. Car ici le rythme est lent, très lent. On souhaiterait presque voir un peu plus d’agitation. On craint fort de tomber dans l’ennui et les larmoiements.


Mais on n’y succombe jamais. Car la tension, sous-jacente, est permanente. Même si – ou plutôt parce que – tout ici n’est fait que retenue, pudeur et non-dit. Le mutisme de Chiron, lorsqu’il n’est encore qu’un petit garçon, en est un symptôme. Tout est intériorisé ou suggéré. Jamais rien ne s’étale au grand jour (c’est voulu). Mais c’est cette tension qui, au final, maintient notre attention. C’est également elle qui justifie les quelques scènes fortes de dérapage (les crises de la mère) ou de violence (le passage à tabac, la chaise brisée en retour). Trop de pression conduit parfois à l’explosion.


Certains personnages secondaires (le sont-ils vraiment ?) sont très attachants et bien vivants. Le dealer et sa compagne qui constituent un substitut de famille, cette famille monoparentale incarnée par une mère défaillante et absente. Chiron finira d’ailleurs par ressembler extérieurement au dealer, ce qui se comprend puisque que ce dernier aura fait office de père, avant de disparaitre.
La construction quant à elle est simple et limpide : trois âges, trois étapes de la vie d’un homme. L’enfance, l’adolescence, l’âge adulte. Ce qui va de pair avec son évolution et certaines transformations. Car c’est avant tout ce que le film met en avant : cette lente progression qui permet au personnage principal (et on ne peut plus central) d’admettre et d’accepter enfin sa véritable nature. Il en a pourtant conscience dès son enfance. Mais elle est très difficile à assumer dans le milieu où il évolue.


Tout à la fois drame social et récit d’apprentissage, Moonlight laissera sans aucun doute une trace dans nos consciences. Résistera-t-elle à l’épreuve du temps ? C’est une tout autre histoire.

DGabs
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2017

Créée

le 5 mars 2017

Critique lue 318 fois

Little Nemo

Écrit par

Critique lue 318 fois

D'autres avis sur Moonlight

Moonlight
mymp
8

Va, vis et deviens

Au clair de lune, les garçons noirs paraissent bleu, et dans les nuits orange aussi, quand ils marchent ou quand ils s’embrassent. C’est de là que vient, de là que bat le cœur de Moonlight, dans le...

Par

le 18 janv. 2017

180 j'aime

3

Moonlight
JérémyMahot
4

Un scénario lunaire

Moonlight, comme son personnage principal, a du mal à se situer : le film de Barry Jenkins se présente d'abord comme un témoignage social, à vif, caméra à l'épaule dans le style des frères Dardenne,...

le 11 févr. 2017

62 j'aime

Moonlight
Plume231
3

La seule chose à retenir : la bourde la la landienne !!!

Les vannes de Jimmy Kimmel, les très nombreuses piques anti-Trump de la part de Kimmel et des différentes stars qui ont défilé sur scène, des noirs récompensés à profusion pour tenter de faire...

le 1 mars 2017

37 j'aime

5

Du même critique

Transparence
DGabs
6

Demain c'est aujourd'hui

Transparence est ce que je nommerais un "roman de fausse anticipation" ou bien un "faux roman d'anticipation". Car c'est avant tout de notre société actuelle que Marc Dugain parle ici. Une société du...

le 19 juin 2019

7 j'aime

Guide Fnac de la bande dessinée
DGabs
8

La fnac coince la bulle

Qui n’a pas un beau jour feuilleté ou utilisé l’un des guides-sélections édités par la FNAC, qui ont largement contribué à la (bonne) réputation de l’enseigne ? Mais elle n’avait rien fait jusque-là,...

le 1 sept. 2020

6 j'aime

3

Blow-Up
DGabs
8

Le jeu des apparences

J'ai revu pour la énième fois ce film en salle ce soir (sans en avoir encore épuisé tout le sens, ni tous mes sens). :-) A la sortie, toujours ce même petit goût de mystère, cette sorte de perplexité...

le 10 avr. 2017

6 j'aime

8