Come in for a coming out…
Je dois avouer que ce film m’a tout d’abord laissé perplexe. Au début, je me suis même demandé s’il méritait bien son Oscar. Presque deux heures pour assister à un coming out, ça paraît par moments un peu long. Si vous aimez les rythmes haletants et les scènes d’action vous serez déçus. Car ici le rythme est lent, très lent. On souhaiterait presque voir un peu plus d’agitation. On craint fort de tomber dans l’ennui et les larmoiements.
Mais on n’y succombe jamais. Car la tension, sous-jacente, est permanente. Même si – ou plutôt parce que – tout ici n’est fait que retenue, pudeur et non-dit. Le mutisme de Chiron, lorsqu’il n’est encore qu’un petit garçon, en est un symptôme. Tout est intériorisé ou suggéré. Jamais rien ne s’étale au grand jour (c’est voulu). Mais c’est cette tension qui, au final, maintient notre attention. C’est également elle qui justifie les quelques scènes fortes de dérapage (les crises de la mère) ou de violence (le passage à tabac, la chaise brisée en retour). Trop de pression conduit parfois à l’explosion.
Certains personnages secondaires (le sont-ils vraiment ?) sont très attachants et bien vivants. Le dealer et sa compagne qui constituent un substitut de famille, cette famille monoparentale incarnée par une mère défaillante et absente. Chiron finira d’ailleurs par ressembler extérieurement au dealer, ce qui se comprend puisque que ce dernier aura fait office de père, avant de disparaitre.
La construction quant à elle est simple et limpide : trois âges, trois étapes de la vie d’un homme. L’enfance, l’adolescence, l’âge adulte. Ce qui va de pair avec son évolution et certaines transformations. Car c’est avant tout ce que le film met en avant : cette lente progression qui permet au personnage principal (et on ne peut plus central) d’admettre et d’accepter enfin sa véritable nature. Il en a pourtant conscience dès son enfance. Mais elle est très difficile à assumer dans le milieu où il évolue.
Tout à la fois drame social et récit d’apprentissage, Moonlight laissera sans aucun doute une trace dans nos consciences. Résistera-t-elle à l’épreuve du temps ? C’est une tout autre histoire.