Moonrise Kingdom par Simon
Wes, nous avons un gros souci. Il faut que je t'en parle.
Je n'aime pas tes films. Aucun. Je ne le fais pas par snobisme ou pour être à contre-courant en permanence.
Je n'aime pas tes films.
Je n'y arrive pas. Tu me déçois toujours.
Je me sens vraiment à côté de la plaque à chaque fois, dans cette salle rouge. Les gens rient, trouvent ça mignon, délicieux, virtuose même parfois.
Et moi ? Moi, je devine tous tes effets 2 secondes avant, j'ai la plupart des dialogues (si ce n'est chaque mot, en tout cas, le sens) dans la tête avant qu'ils ne se produisent. Je sais quand tu vas nous faire un ralenti avec tes acteurs de profil. Je sais que tu vas agencer parfaitement chaque plan. Je sais tes procédés d'ellipses. Ce qui en résulte, c'est que je ne suis jamais surpris. Jamais étonné. Et donc, pas vraiment bouleversé, je ne ressens rien. Aucune émotion.
J'en ai parlé autour de moi, pour comprendre pourquoi j'ai un cœur de pierre, pourquoi je suis dépourvu de sentiment quand je regarde tes films. Et j'ai trouvé la réponse.
L'enfance c'est du sérieux. L'amour c'est du sérieux. Il n'y a que les adultes qui sont infantiles.
Le problème, vois-tu, c'est que c'est exactement ça. Mon enfance c'était du sérieux. Mes amours d'enfance, c'était du sérieux. Et je les trouvais ridicules, ces adultes, avec leurs manières de crétins.
J'étais un adulte en miniature. Un enfant avec des manières de grand. Et c'est pour ça que je n'aime pas tes films. Ils me font penser à ma vie d'enfance. Et j'en ai pas besoin. Moi, je veux du rêve quand je vais voir une histoire. Je veux quelque chose qui me touche, qui me soit étranger, différent de moi. Je ne veux pas me voir dans un miroir. J'ai le reste de ma journée pour ça.
Je crois qu'au fond, je t'aime bien, Wes. Je continuerai à aller voir ma vie dans tes films. Même si après, ça m'agace.