On se dit qu'à vingt ans, on est les rois du monde...

Il fallait bien une mise à jour de ma vieille critique de Moonrise Kingdom ...


Probablement en juin 2012, devant un cinéma bruxellois :



“Tu préfères aller voir Les Géants ou Moonrise Kingdom ?”, me
demanda-t-il.



J’hésitai un peu, les deux me semblant intéressants. Je choisis finalement Moonrise Kingdom et ainsi découvris le cinéma de Wes Anderson, dont je n’avais jamais entendu parler jusqu’alors.


Premières images, tout de suite je constate l’importance accordée aux couleurs, à la symétrie.



“In order to show you how a big symphony orchestra is put together,
Benjamin Britten has written a big piece of music which is made up of smaller pieces that show you all the separate parts of the orchestra.
These smaller pieces are called variations, which means different ways of playing the same tune.”



Puis, la musique, très importante elle aussi dans le film tant d’un point de vue purement sonore que narratif. (Je serais curieuse de voir une comédie musicale réalisée par Wes Anderson mais, je m’écarte de mon sujet) Je crois que c’est un des films « non musicaux » dont j’ai le plus écouté les musiques par après.


Pour 1h30, me voici donc embarquée dans cette histoire à la fois belle, colorée, naïve, touchante, romantique, poétique, presque magique, drôle et toutefois un peu dramatique, dans cette fugue aux allures de quête initiatique, de comte ou de chasse au trésor de deux jeunes héros et dans leur incompréhension envers le monde des adultes, et inversement. A ce sujet et par ailleurs, le film traite en partie des mêmes sujets que Les Géants, qu’à ce même moment en 2012, j’aurais pu être en train de voir et sans doute n’aurais-je pas écrit ceci aujourd’hui.


Ce qui m’avait le plus touchée ou intriguée il y a… déjà 5 ans, était probablement cet immense travail sur les détails : la parfaite symétrie de chaque plan, l'adéquation des musiques et des instants, l’introduction géographico-temporelle, l’inspection du camp scout, les livres que lit Suzy…


Et puis… résonne « le temps de l’amour » de Françoise Hardy. Suzy, Sam, personnages tout aussi originaux qu’intéressants se sentent incompris dans leur monde respectif, par des parents absents même lorsqu’ils sont présents, par des amis qui n’en sont pas véritablement, ou par eux-mêmes :



"I lost my temper at myself"



Ils se trouvent, se comprennent, se découvrent. C’est aussi simple que ça, mais c’est aussi tout ce qui compte à ce moment : avoir le sentiment d’être compris, de pouvoir (se) confier, loin du monde des adultes. A cet égard, on peut évidemment penser à Peter Pan, notamment durant la scène de feu de camp pendant laquelle Suzy lit des histoires aux scouts assis en silence autour d’elle.



« We’re in love, we just want to be together, what’s wrong with
that ? »



Il est vrai qu’à tout cela est ajoutée une touche d’humour, mais jamais de moquerie. Ces thèmes sont au contraire rendus véritables et importants, et ce, malgré l’artificialité (assumée) des décors. Il y a, à mon sens, plus à y voir qu’un simple film « qui rend heureux ». Il constitue aussi une critique des systèmes sociaux incompétents, des adultes bornés et aveuglés ou encore de la psychologie à deux sous.


Ode à l’amour, à l’amitié, à l’entraide, à l’écoute, à la compréhension mutuelle, à la débrouillardise aussi, Moonrise Kingdom devint ce jour-là, est et restera encore, je crois, un de mes films préférés, réussissant à me plaire à la fois visuellement, thématiquement, scénaristiquement et musicalement.


Espérons donc que Suzy et Sam parviennent à trouver une autre île « Car le temps de l’amour, c’est long et c’est court, ça dure toujours, on s’en souvient ».

Anyore
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le 11 oct. 2017

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Anyore

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