Mother ! Une fable catholico-spiritualo-psychanalytico-sexiste

(Attention !!!!! Spoil Total !!!!!)


Ici et là dans les critiques, on retrouve l'idée plus ou moins affirmée que  Mother !  valoriserait les femmes et les mères, que Darren Aronofsky aurait voulu faire un film au service du féminin…
Le sexisme est-il si incroyablement ancré dans la société qu'un film usant et abusant de poncifs essentialistes (même « positifs ») sur les femmes et n'hésitant pas à décrire celles-ci de la façon la plus réactionnaire qu'il soit puisse passer pour un film « féminin » (si ce n'est féministe) ?


Que nous dit en effet  Mother !  ?
Les hommes détruisent tout, sont violents, « viennent de Mars » comme dirait l'autre, rêvent de gloire, de reconnaissance, sont tournés vers l'extérieur quand ce n'est pas vers leur nombril, alors que les femmes sont la vie, la tendresse, la douceur, l'amour, le  care , l'espoir, le dévouement inconditionnel, l'empathie, l'intériorité et les casseroles.
Au-delà de cet essentialisme neuneu et binaire, par l'intermédiaire de son héroïne, Darren Aronofsky va nous brosser un portrait de La Femme comme celui d'un être soumis aux désirs de son homme, dévoué et fidèle tel un labrador. L'héroïne, archétype de toutes les femmes, passe tout le début du film à rechercher le regard de son homme, à guetter et quêter le moindre geste d'affection de sa part. Elle l'observe, le sert, devance ses attentes et besoins, n'agit pas mais ne fait que réagir selon ce que lui aura dit, fait ou désirer. Son rôle est celui d'une servante, elle est « au service de... » : elle cuisine, fait le ménage, gère la maisonnée, répare et nettoie ce qu'il aura contribué à détruire et salir, tente de faire respecter les règles établies par le maître des lieux, fait tout pour qu'il ne soit pas dérangé, pour qu'il puisse vivre et créer sans soucis des contingences matérielles, quotidiennes et immanentes. La place de la femme dans ce film, là où elle trouve son épanouissement, c'est silencieuse, à la maison, à quatre pattes, les mains dans la crasse ou aux fourneaux, auprès de l'homme qu'elle aime et vénère. Sa vie, son rôle, sa place, ses actes n'ont de sens que référés à lui. Elle n'a pas d'histoire, pas de passé, rien, juste lui. Sans doute a-t-elle quelques besoins et envies, mais elle doit les faire taire, se soumettre aux lois et lubies de son homme ; elle n'agit pas mais est agit par lui, dans l'hétéronomie totale : elle n'est pas elle, elle est lui : la femme est avant tout une épouse, pas un sujet libre et autonome, mais un objet, un outil.


Cependant elle ne peut, ne doit !, se contenter de n'être qu'une épouse. Pour se réaliser pleinement, elle doit devenir une mère. L'enfantement, comme le titre l'indique, est l'axe central du film, c'est autour de lui que tout se joue (symboliquement (tout un prêchi-prêcha spirituel sur la vie) et concrètement). Pendant toute la première heure du film, la tension monte entre l'homme et la femme, celle-ci est en colère et a (à raison) un tas de reproches à faire à celui-là (c'est l'archétype du pauvre type égocentré, sans empathie, etc.). Mais tous ces reproches, toute cette colère cachent en fait le véritable problème : son homme la délaisse physiquement, il ne lui fait pas l'amour. Aïe ! Mais en même temps, elle ne fait grand effort pour être désirée… Le film nous apprend (par l'intermédiaire du personnage joué par Michelle Pfeiffer) que la femme doit plaire physiquement, mettre en avant ses charmes, se faire objet de désir afin de plaire à l'homme, être pleinement contentée et remplir son rôle (enfanter). Au climax de la colère, elle finira par avouer/revendiquer/reprocher à son homme son désir d'être prise par lui. Sans doute blessé dans son amour propre de Mââââle, ni une ni deux, il attrape la dame pour lui prouver qu'il sait faire. Elle ne veut pas (pas là, pas tout de suite, pas comme ça), qu'importe, il insiste, la force, puis comme toute femme « quand c'est « non » en fait c'est « oui » », elle cède joyeusement (la culture du viol… encore...). Et là BIM !, tout est oublié ! Colère, disputes, passé, tout ! Elle est contente, heureuse, épanouie, comblée (#Freud#TrouBéant#AppelDuPénis) ! Un coup de zizi et finis les coups de Calgon ! Votre bonne femme vous hurle dessus ? Vous fait des reproches ? Vous êtes un pauvre type ? Ne vous remettez pas en question, ne soyez pas attentif à ses mots : calmez-la et faites-la taire en la prenant, de force si besoin : elle se calmera et en plus vous remerciera. Voilà encore une des leçons de ce film.


Mais comme un bonheur n'arrive jamais seul, le lendemain matin la femme est enceinte, elle le sait ! (#Qu'est-ceTuVeuxAvecTonTestDeGrossesse? #InstinctMaternel!). Accompagnée d'une douce lumière chaleureuse, notre héroïne parturiente arbore désormais un sourire béat et épanoui : elle est en train de s'accomplir en tant que femme ! Cette grossesse vient amener la paix dans le foyer, faire tout rentrer dans l'ordre, dissiper les doutes et les griefs, rebooster la vie du couple, lui redonner du sens : Si votre bonheur conjugal bat de l'aile… faites un gosse, ça arrangera les choses, calmera madame et maintiendra monsieur à la maison : sûr qu'elle l'a fait exprès d'ailleurs ! Sont malignes et vicieuses ces femelles ! : la femme est manipulatrice, elle nous fait croire qu'elle travaille au bonheur de l'homme alors qu'en fait elle ne travaille qu'au sien, ne pense qu'à elle, nous utilise pour s'accomplir, devenir mère !


Puis vient la naissance de l'enfant (un fils ! qui rend tellement heureux le père). Devenue pleinement mère, la femme s'affirme enfin, ose s'opposer, résister et dire non. Mais pas pour elle hein, non, elle, elle ne compte pas, c'est une femme, donc soit une épouse soit une mère, si elle s'oppose c'est pour protéger son enfant du monde extérieur et du père : les mères sont castratrices. Finis les beaux sourires, fini l'amour pour le mari (qu'elle aura vraiment utilisé !). Elle se change en harpie, en bête fauve qui mord et griffe. Ce n'est plus vraiment un humain mais un animal totalement halluciné.


Puis vient le grand final apocalyptique où la femme détruit tout car si elle sait donner la vie, la femme sait aussi la reprendre : la femme c'est la catastrophe, l’Armageddon (#HystériqueNoLimit). Bah oui, la femme ne sait pas raisonner, juste réagir à l'instinct et à l'émotion, son cerveau ne parle pas, seulement ses tripes, et ça ça fout la merde : l'homme est déconnant mais il sait se cadrer, il est quand même un être de raison, mais la femme… bah elle sait pas rigoler ni se limiter, toujours dans l'excès à faire exploser des maisons. Messieurs, faites donc attention, ne faites pas entièrement confiance à l'autre sexe, soyez prudents, la femme pourrait détruire toute votre vie, c'est un ouragan incontrôlable qui une fois lancé ne peut plus s'arrêter et ruinera tout : Astuce : tuez-la avant qu'elle ne vous tue !
Oui, la femme est une erreur, une imperfection (jolie et bien pratique) qu'il faut surveiller comme le lait (de soja) sur le feu. Cependant on ne peut s'en passer, alors dieu recrée le monde à l'identique en effaçant juste cette femme-ci pour la remplacer par un autre prototype qu'il espère sans doute moins défectueux. Avec cette nouvelle femme, le film repart alors pour une nouvelle boucle : dieu est naïf, il n'apprend pas de son expérience, sinon il saurait que le ver est dans le fruit et que toujours la femme viendra détruire son grand œuvre : Maudites soient elles !

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le 24 sept. 2017

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