Ça y est c’est la fin d’un cycle, voire d’une saga, et on va bien nous le répéter avec de gros sabots pendant tout ce dernier opus de James Bond. Enfin, pendant toute la moitié du film, l’autre moitié étant une romance à l’eau bien sirupeuse sous une tonne de filtre Instagram. Et oui, le premier reproche que j’ai à faire à Mourir peut attendre, c’est que ce n’est pas un James Bond à part entière. On pourrait le séparer presque en trois sections : l’intrigue d’espionnage, la romance et le pèlerinage.


Sur la partie Bond, au final, le film s’en sort très bien. Les scènes d’actions sont bien filmées, on y retrouve l’opulence, les gadgets, les avions à gravité et autres placement produits qui font le charme d’un James Bond. Nomi, Paloma et Felix Leiter sont de solides et dynamiques personnages secondaires avec chacun des caractères bien définis et une belle répartie pour Bond. Les différents décors sont inspirés, avec notamment l’île de Safin, repère très Flemingien. L’antagoniste, en dehors de son nom sans subtilité (ah oui, parce que Lyutsifer = méchant, au cas où vous ne l’auriez pas deviné à ses actions) et le fait qu’il ne semble pas vieillir, est bien relativement bien bâti, c’est un adversaire captivant. L’intrigue principale mélange vendetta, domination de l’ordre du crime, arrogance étatique et enrichissement crapuleux — efficace et rondement menée. Fukunaga nous sort quelques rares plans très beaux comme ce revers de tir très beau de Bond dans un couloir arrondi. Ça pourrait être un bon film de 1h30. Enfin s’il n’y avait que ça.


Et oui, car Hollywood veut déconstruire James Bond avant d’en finir avec lui. Et comme il dans sa vie pro un tueur sans cœur, il faut faire un beau 180° dans sa vie perso, avec famille et grand amour — sortez les violons. Toutes les scènes avec Madeleine sont ainsi baignées de contrastes bleu et orange (ou comme disent les américains, le teal & orange) qu’on voit absolument partout et qui te hurle « scène à émotions intenses ». Comme Madeleine n’avait finalement pas assez de potentiel pathos, on y rajoute Mathilde et ses grands yeux bleus étalonnés à outrance (ceux de James le sont aussi vous me direz). C’est mièvre, convenu et consternant. Jusqu’au final qui remporte l’apothéose du drame romantique version amants maudits, j’hésite entre des mouchoirs pour mes larmes de rire ou un sac pour prévenir les nausées.


Bon ok, je suis un peu mauvaise foi sur le teal & orange, car il baigne 75% du film, pas que les scènes de Léa Seydoux. Le contraste est juste inversé, avec des scènes à Cuba et en Jamaïque à dominance bleue, historie de bien vous faire comprendre que Nomi et Paloma, ce n’est pas le même deal que Madeleine (qui elle se baigne dans les tons orangés).


Enfin, l’héritage, car tout le monde veut en laisser un comme dirait Safin. Le film va donc ainsi en mettre des caisses sur la partie citation et hommage. Le générique sera ainsi un mix visuel des quatre génériques précédents de l’air Craig, ce qui donne une infâme bouillie visuelle. On ajoutera des portraits de Vesper et de M, on se reposera sans inventivité sur les musiques des 24 précédents opus quitte à ne pas avoir d’identité sonore spécifique. Encore une fois, on pourrait m’opposer que c’est finalement assez attendu de la part d’un JB, mais la génération Craig ne fait que ça depuis 5 films. Cette convocation permanente de l’univers devient à force moins un hommage qu’un automatisme sans âme.


Avec tout ça j’ai réussi à ne pas trop vous divulgacher le film si vous êtes toujours d’attaque. En résumé, Mourir peut attendre aurait pu être un bon film d’action s’il avait su se libérer du poids lourd de l’héritage et de l’histoire filée sur 5 films. Et s’il avait su rester uniquement un film d’action.

AlicePerron1
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le 17 oct. 2021

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Alice Perron

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