Dans un sens, on ne pourra pas dire que je n’étais pas prévenu. Dès le palmarès de Cannes 2014, lorsque Timothy Spall reçoit le prix d’interprétation masculine des mains de Monica Bellucci, il semble plus ému que jamais. Se retenant même de pleurer, il entame alors un discours simple mais émouvant sur les personnes qui ont comptés pour lui et sur son ressenti. Simple, émouvant… Mais vite interminable (plus de 10 minutes, me semble-t-il…), trainant en longueur et finissant plus par ennuyer qu’émouvoir.

Si cette introduction peut paraitre assez dure, elle est pourtant, comme je le disais, assez révélatrice du film qui nous attend.

L’idée d’un « biopic » par Mike Leigh me semblait d’abord plutôt intrigante. N’ayant pas tout vu de lui, je peux néanmoins avancer que je ne suis pas très friand de son cinéma, souvent très froid et acide, malgré de superbes portraits de personnages (Another Year, pour ne citer que lui).

Au final, le film n’est pas vraiment un simple biopic académique, comme on pouvait s’y attendre. Le film se concentre sur les dernières années de vie du peintre William Turner. Contrairement à la plupart des biographies au cinéma, le personnage de Turner n’a ici plus rien à prouver, son talent étant reconnu de tous. Comme à son habitude, Leigh choisit l’option du portrait d’une personnalité très particulière. Il s’agira de la grande force, mais également de la faiblesse de son film.

Spall incarne avec brio une vision de Turner assez radicale : Râleur, désagréable, exécutant son travail avec talent mais sans réelle passion, mais également très sensible et délicat à certains moments.
Le film se distingue très clairement en deux visions :
- La première étant celle de l’inspiration du peintre et de ses instants de bien-être, avec ces grands plans larges aux couleurs chatoyantes, telles de véritables peintures vivantes.
- La seconde, parlant de sa vie de tous les jours, ressert d’avantage ses cadres. Les couleurs deviennent beaucoup plus ternes et baignent dans un brouillard constant, ainsi que dans une teinte assez jaune fiévreuse. Sorte d’extériorisation du malaise de son personnage, dans ses dernières années, observant avec perplexité l’évolution d’un monde et des mœurs qu’il ne comprend plus.

Très épuré et contemplatif, le film n’hésite pas à prendre son temps… Beaucoup trop… Même les meilleures scènes du film (Turner à la galerie d’art qui corrige une de ses œuvres) sont tellement étirées qu’elles finissent par perdre complétement leurs impacts.
Encore une fois, les personnages de Leigh, bien que correctement développés, semblent tellement distants et se détester eux-mêmes que le spectateur a beaucoup de mal à s’attacher à eux (Turner semble blessé par les remarques de la reine sur ses toiles, ainsi que du théâtre se moquant de lui. Mais à côté, il se fiche complétement des visites organisées chez lui pour voir ses toiles et méprise les bourgeois qui apprécient ses peintures. Très perturbant). Des plus démunis aux plus riches, les personnages sont presque filmés de manière désacralisée, avec des tics de langages et de grimaces assez visibles. Réaliste, sans doute, mais tellement froid que le film laisse hermétique.

Si, à la vision de ce film, on a sans doute envie de revoir les peintures de ce brave Turner, le film quant à lui, ne restera qu’un portrait intéressant mais trop inégal et glacial pour réellement marquer.
Clément_Ringot
5
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le 24 janv. 2015

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Jonsey Norgit

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