Ridley Scott est quelqu’un d’assez compliqué, quand même.


Les années 2000 ont eu l’effet d’une montagne russe dans la carrière du papa d’Alien : Après une remontée des 90s très prometteuse (« Gladiator », « Hannibal », « Black Hawk Down », la director’s cut de « Kingdom Of Heaven » …), l’inévitable descente se sera révélée plus difficile que prévue. Bien que je sois un des rares défenseurs de « Prometheus », je ne peux que reconnaître que ce dernier possède de nombreux trous à faire pâlir Carlos. Même un projet alléchant comme « Exodus » s’est révélé bâclé et lisse et s’est totalement vautré. Seules les belles images restent (bien que trop numériques à mon goût) en heures supp’, les scénaristes étant partis pisser depuis déjà plusieurs années…


Autant dire que le projet « The Martian » a eu un côté quitte ou double. L’histoire était intéressante, ainsi que le casting, avec Matt Damon qui, après « Interstellar », se Chuck Nolandise pour la seconde fois dans l’espace. Cette fois-ci sur la fascinante planète rouge, où son équipe le croit mort après une violente tempête et le laisse sur place. Livré à lui-même, il ne baisse pas les bras et enchainera les efforts astucieux pour survivre et rentrer en contact avec la terre.


Bon déjà on va mettre les choses au point tout de suite, car vous vous en rendrez compte très vite : le film se rapproche bien plus d’ « Apollo 13 » que de « Gravity » ou « Seul Au Monde ». En voyant les alternances entre les points de vue de Damon sur Mars, de la NASA sur Terre ainsi que de l’équipe spatiale, on pourrait penser que cette multiplicité des points de vue nuira au film et à son atmosphère d’isolement et de solitude. Par miracle, il n’en est rien. Au contraire, cela renforce même cette approche, mais de manière différente :


- Partie Mars : Scott sait filmer et ses images ont souvent un réel cachet, ce n’est pas nouveau. Mais ici, on est quand même ravi de le voir filmer Mars si majestueusement. Ni trop saturée ("Prometheus") , ni trop terne dans les couleurs, cela donne à la planète un équilibre entre son immensité à la fois si vide et si riche. Avec les grands angles, surtout lors de son utilisation pour des plans rapprochés avec Damon, on se retrouve à la fois fasciné et mal à l’aise en se mettant à sa place, en aiguille dans une botte de foin.
En bref, l’atmosphère de découverte et de mystère est ici bien mieux réussie que dans « Prometheus », alors que nous parlons d’une planète réelle et connue comme Mars.


- Partie Terre : Le film reste quasi intégralement en huit clos à la NASA. Les grandes salles de réunions et de contrôles sont souvent en comité réduit, ce qui illustre une nouvelle fois cette sensation de lourdeur « vide » et de personnages en pression constante de trouver une solution. Les rares scènes de « foule » renforcent davantage cette idée d’un centre coupé du monde et qui doit faire attention au moindre mot livré à ce dernier, aucune marge d’erreur n’étant tolérée. Ici, c’est donc le « trop plein » qui isole. Efficace, sans être sensationnel non plus.


Ainsi donc, la mise en scène se retrouve ici de fort bonne facture. Les images sont très prenantes et l’histoire, assez conséquente, se retrouve très bien rythmée sur 2h20. Bon, il y a bien deux ou trois ellipses un peu limites et certains effets (Non, non. Plus d’accélérés, par pitié…) assez… Discutables. La 3D est également très inégale, la faute à un découpage technique pas toujours adapté (bonne 3D = bonne profondeur de champs, nom de Zeus !), et la musique de Williams se contente d’être efficace, à défaut d’originalité (les tubes discos du film sont plus notables, quoi !). Mais bref, cela reste très léger, donc on pardonne.


Concernant le scénario développé, je suis vraiment assez impressionné. N’ayant pas lu le livre original (oui, je sais : « tu loupe quelque chose », « honte à toi ! », tout ça, tout ça…), c’est donc ici le film indépendant que je passe en revue… Et franchement, je suis assez content de voir qu’un film n’essaye pas de nous prendre pour des cons. Bon, ok, il y a bien certaines ficelles de mise en scène ou quelques passages qui font sourcilier...


Du simple adhésif pour réparer un casque et un SAS ravagé ?


Content que tu te propulse dans l’espace en perçant le gant de ta combinaison, mec… Encore un bol fou que ta main ne se transforme pas en surgelé ou que tu te dépressurise pas en quelques secondes.


Ce geek de la NASA complètement bordélique et ne pouvant pas expliquer un plan simplement sans tomber dans le cliché du « je suis déjanté et je fais des bruitages pour simplifier ma démonstration ».


Certains passages un peu manichéens au début, là où la suite du film arrive à montrer des points de vue divergents de manière un peu plus réaliste.


Sean Bean qui ne meurt pas... Sacrilège !


Bref, là encore, le film étant globalement très bien foutu, on pardonne. Surtout que, ayant comparé ce film à « Apollo 13 », je me dois de parler de la différence majeure.
Le film de Ron Howard, même si très réussi, racontait une histoire vraie et cherchait l’authenticité avant tout. Le film livrait ainsi une reconstitution fidèle de l’évènement, mais restait trop didactique pur, trop scolaire et un peu « froid », ce qui empêchait de ressentir quelque chose de très fort pour les personnages dont on connaissait l’issue, car histoire vraie. Ici, Scott filme ses personnages avec un réel intérêt. Rien que pour le personnage de Matt Damon, on aurait pu s’attendre à une suite de crises de nerf et de dépression. En réalité, l’instinct de survie, le doute et l’humour sont au rendez-vous. Lui et la plupart des personnages s’impliquent énormément. Même lors des erreurs, chacun veut s’en sortir, faire au mieux, et on veut qu’ils s’en sortent. C’est bien là une des très grosses forces du film : Scott filme avant tout des personnages humains plutôt que « fonctionnels ».


Au final, peut être que le film doit tout son succès à son support original concernant l’histoire. Mais en fin de compte, qu’importe. Même si il ne s’agit pas du chef d’œuvre de l’année, voir à nouveau Scott mettre sa verve visuelle au service d’un scénario réellement haut de gamme, ça fait vraiment plaisir. De bonne augure pour les suites de « Prometheus » ? Je ne sais pas, mais en tout cas on sait que le Scott « conteur d’histoire » prouve ici qu’il n’est pas complètement mort. Comme dirait Aragorn, « Il y a toujours de l’espoir » !

Créée

le 11 oct. 2015

Critique lue 337 fois

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Jonsey Norgit

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