Ah, les oscars ! Le gratin d’Hollywood, qu’il s’agisse de stars de cinéma ou autre people, des petit fours, du champagne, des photographes à foison, le glamour à outrance…. Ah, oui, et les films aussi, accessoirement !


Comme d’habitude, il y aura la dernière production indépendante chouchoute des critiques (le très bon « Boyhood »), le petit film d’auteur original, décalé mais accessible quand même (oui, oui « The Grand Budapest Hotel », je parle de toi. Même si je t’ai adoré…)… Mais surtout, il y aura forcément encore le Nième biopic, souvent aseptisé, ainsi que le petit dernier des Weinstein, véritables mafieux d’Hollywood pour qui rien n’est impossible.


Ici, en l’occurrence, il s’agit d’un biopic produit par les Weinstein. Cool, ça va faciliter la tâche.


Pour commencer, une question : Qui peut m’expliquer ce titre ?
Non parce que là, je suis désolé mais le centre (le film entier, même) de l’histoire n’a strictement RIEN à voir avec le jeu de l’imitation. Ah mais oui, c’est vrai ! Autant pour moi, ils évoquent très rapidement ce terme pendant une scène de moins d’une minute qui n’a rien à voir avec tout le reste du film. Mea culpa, tout est excusé. Faudra que je pense à tourner un biopic sur les jeunes années de De Vinci, se centrant sur ses premiers travaux uniquement, et qui s’appellerait « La Joconde »…


Plus sérieusement, donc. Le film se consacre à la période de la vie de Turing où ce dernier était chargé, avec une très petite équipe, de décrypter le système de message Enigma et de faire considérablement changer le cours de la guerre, de l’histoire moderne. Le tout, via une machine généraliste qui s’adapte à toute les combinaisons possibles et imaginables et permet de décrypter tous les codes possibles (oui, je généralise)… Un peu comme ce film avec toutes les méthodes pour gagner le plus d’oscars possibles :
Ici, clairement, l’académisme est le maître-mot. Mortem Tyldum se contente de filmer ce qu’il doit filmer, de se concentrer sur le plus significatif. Simple et efficace, certes. Mais pour un personnage aussi singulier et fascinant qu’Alan Turing, sans aller dans l’extrême inverse de le montrer comme un dieu, je pense que justice n’est pas totalement rendu avec un simple film « Wikipédia » (avec tout le respect que j’ai pour ce site). Ceci-dit, nous sommes à Hollywood. Il est bon de romancer « raisonnablement » certaines choses pour rendre le film attractif.


Les acteurs ne font aucun miracle, mais ils interprètent tous parfaitement leurs rôles. Le talent de Cumberbatch n’est plus à prouver depuis très longtemps, et Strong est réellement un acteur sous-estimé. Cependant, malgré le talent de composition (hum, tu la veux la statuette, hein Ben ?), les mécanismes d’écriture Hollywoodienne ressortent. Pour le peu que je connaisse le vrai Turing, je ne crois pas qu’il était du genre… Comment dire… Oui, voilà « autiste ». Un génie misanthrope et quelque peu original, sans doute. Mais est-il forcément obligatoire d’accentuer le génie et l’intelligence de quelqu’un en le faisant passer pour un sous-Sheldon Cooper bourré de tics ? Visiblement, oui… Et, tant qu’à faire, à supposer que Turing rendait les miliaires perplexes, autant montrer ces derniers comme des pauvres bornés méprisant l’intellect. Ben oui…


Le scénario et son montage correspondent parfaitement aux attentes de ce genre de biopic à récompenses. Comme il n’opte pas pour un déroulement linéaire, ici on préfère alterner entre le sujet central du film (4/6 du film), l’enfance de Turing (1/6) et son arrestation pour homosexualité. Ce qui permettra par ailleurs d’ajouter la bonne vieille voix off sur explicative. Comme le public est un poisson rouge qui oublie vite, il faut tout lui surligner et lui remettre en mémoire une scène écoulée il y a même pas 30min (la bible, mais je ne détaillerais pas pour pas spoiler).


Une première surprise arrive cependant sur le fait que, même si Hollywood ne s’est pas privé de Rain Man-iser son héros, elle n’a cependant pas insisté lourdement sur le côté homosexuel. Le film trouve le moyen de rester relativement sobre à ce sujet, ce qui n’est pas plus mal… Mais il y a une exception. On va encore dire que je pinaille, mais pourtant, elle est de taille.


----------------------SPOILER------------------


La machine révolutionnaire qui, ici, s’appelle Christopher, d’après le nom de l’amour perdu de jeunesse de Turing, et probablement le seul qu’il n’ait jamais eu. Le film insiste très souvent sur ce nom, ainsi que sur Turing disant « J’ai fini par le rendre beaucoup plus intelligent » et « je ne veux pas qu’ils me le reprennent encore »…
Ok, alors non seulement un génie doit forcément avoir des tics de fou furieux… Mais en plus il n’a pas le droit de s’intéresser à sa recherche par altruisme, par l’envie de sauver des millions de vie et de raccourcir la guerre (enfin, pas que) ? Il le ferait surtout avant tout pour faire revivre indirectement son amour perdu au travers de sa création, soit par amertume et par exorcisation personnelle ? Bon ok. Je veux bien qu’un film prenne quelques libertés avec la réalité, mais là ces quelques infos/dialogues changent complétement la vision du film et la motivation de son personnage principal… Bref, on va dire que je pinaille.


----------------------FIN SPOILER--------------


L’ambiance est plutôt visuellement fidèle. Très dans l’esprit de l’Angleterre de la seconde guerre mondiale, avec décors travaillés, costumes impeccables, le tout filmé de manière très propre, rythmée et efficace. La musique de Desplat, sans être transcendante, rempli bien son rôle, avec aussi son cahier des charges (mec, y’a de l’émotion : balance le piano !!!)…


Je préfère être honnête et ne pas cracher dans la soupe : le film n’est pas mauvais. Je mentirais si je disais que je me suis ennuyé. Étant donné que, quitte à faire une grosse partie de « cours d’histoire tout bête sur grand écran », la partie consacrée à la mise en place du système de décryptage reste bien tournée et arrive à maintenir vraiment l’attention. Les personnages sont assez intéressant et toute la mécanique du film, même si ultra visible, fait correctement son emploi.


C’est bien ça le problème des « films à oscars » : c’est simple, sans réel parti-pris conséquent ni grande audace… Mais on y met les moyens et le savoir-faire pour que, encore une fois, cela suffise. Objectivement, ce n’est pas mauvais ni chiant du tout, mais c’est juste tellement banal et scolaire que c’est quand même vraiment frustrant. Surtout, comme dis plus tôt, avec un mec pareil et avec le VRAI sujet du jeu de l’imitation. Là on aurait pu aller dans l’audace et la découverte. Mais les Weinstein sont visiblement encore trop occupés à cirer les pompes des académiciens. Pour un produit de bonne qualité, c’est cool. Pour un vrai film réfléchi et personnel, ce serait mieux…

Clément_Ringot
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le 22 févr. 2015

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Jonsey Norgit

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