Alors que s’abat la dernière sentence du long-métrage de David Lynch en salle Buñuel, ses fantômes passent des palmiers hollywoodiens aux palmiers cannois en un frisson exquis. 20 ans après sa venue au Grand Théâtre Lumière, l’envoûtant Mulholland Drive se voit restauré en 4K par StudioCanal, et quel délice..


Découverte totale, les instruments d’Angelo Badalamenti, compositeur fétiche du metteur en scène, obtiennent un boulevard dans cette restauration. Plaisir de cinéma de tous les sens, le cinéaste ne donne comme clé à son dédale que la phrase suivante : « Une histoire d’amour dans la cité des rêves ».


Amour toxique, interdit, fantasmé : L’histoire de la blonde Betty Elms et de la brune Rita est un peu tout ça à la fois, et très certainement l’icônisation d’un couple sans précédent, superbement incarné par Naomi Watts, dans le rôle qui l’a révélée, ainsi que Laura Harring, dont le charisme et le regard a tout d’une héroïne de l’âge d’or hollywoodien.


Tantôt film d’épouvante, tantôt romance glamour à souhait sous fond de mystère californien, le long-métrage s’amuse à essayer tous les masques, il peut être tout et rien, affranchit des ciseaux de salle de montage et ne se pose jamais nulle part. Et pourquoi pas ?


Prévu pour être le pilot d’une nouvelle série dans les pas de la cultissime Twin Peaks, Mulholland Drive et ses visions cauchemardesques s’est imposé, dans sa conception, comme une œuvre unique.


Conclu dans une dernière demi-heure cryptique, le film ferait rougir Christopher Nolan dans son habileté à mettre en scène le rêve humain, celui qui prend la forme d’un amour amnésique, d’un cabaret des plus étranges où une chanteuse narre tout ce qui était sous-entendu mais que le spectateur – et sa protagoniste – se refusait à voir durant une heure quarante de film.


David Lynch impose un réveil aux larmes à son audience bien avant l’arrivée du générique, la gifle qui survient n’en est que plus bouleversante.


Réflexion sur le médium du septième art en tant que tel et son industrie par le biais du personnage de Justin Theroux (l’inoubliable Kevin Garvey de The Leftovers sur HBO) incarnant un metteur en scène rongé d’ambition, la narration de l’œuvre et son montage sont eux-mêmes constamment en train de penser l’art auquel ils se vouent, des artifices du cinéma au paraître hollywoodien .


Possiblement le chef-d’œuvre ultime du réalisateur et l’un des films majeurs de ce début de siècle, Mulholland Drive est une lente et puissante remontée d’ascenseur vers les étages du rêve et des illusions, vectrice d’un prisme nouveau à la manière dont tout un chacun pourrait appréhender le cinéma et ses envoûtants rouages…


« It’ll be just like in the movies. Pretending to be somebody else ».

ravenexus23
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le 3 août 2021

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