Une petite peur en allant voir ce film. L'engouement qu'il a suscité, les thèmes abordés, la période actuelle, autant de choses qui pouvaient laisser présager d'un engagement idéologique trop marqué, d'une bonne volonté vaine de dénoncer pour dénoncer... Bref le film qui plaît pour son fond idéologique, mais pas vraiment pour l'objet d’origine qu'il est: un film. Mais autant vous rassurer tout de suite, il n'en est rien.
L'incipit est très banal, en apparence. On y observe un groupe d'adolescents turques à la sortie de l'école, ils sont heureux d'être en vacances, comme tous les enfants du monde. Ils s'amusent dans la mer, les filles chahutent avec les garçons, montent sur leurs épaules... Rien d'anormal. Mais c'est sans compter les croyances et les traditions d'un autre temps dans laquelle la famille des jeunes filles est plongée. S'ensuit alors une véritable incarcération des adolescentes dans la maison familiale, et des pratiques toujours plus anachroniques, dont je vous laisse la surprise.
On ne peut qu'être touchés/révoltés par leur histoire, vue par le prisme de la benjamine, Lale. Ce qu'elles ont à subir est inadmissible, et le film le montre bien au cours de situations absurdes, notamment concernant la sexualité des femmes et leur place dans la société traditionnelle turque. Enfin un film a portée féministe qui ne tombe pas dans le too much ! Mais là où Mustang se démarque, c'est par la justesse de son ton. Le film est tantôt joyeux, tantôt dramatique, puis très drôle, mais toujours de manière très finement dosée, juste, sans en faire des caisses. Cela tient notamment aux actrices principales, les cinq sœurs, qui crèvent littéralement l'écran. Leur authenticité est tout bonnement époustouflante, elles rendent Mustang crédible dès la première minute. On se surprend très vite à se prendre d'affection pour elles, pour leur joie de vivre malgré les circonstances. C'est un vrai plongeon dans l'Enfance universelle, et la simplicité qu'elle incombe. Même si Lale se doit de prendre des décisions très dures.
Rien à redire sur la musique et sur la réalisation, c'est simple mais bien fait, pas époustouflant mais suffisant.
Mustang remplit donc ses promesses. Une dénonciations de la fermeture d'esprit qui persiste encore dans certaines cultures (mais tend à s'effacer, notamment à Istambul où on observe ici une plus grande liberté), une histoire touchante, drôle, émotionnelle, qui m'a arraché des sourires de bienveillance et m'a rappelé que l'enfance a ce quelque chose de naturellement magnifique, simple et vrai, malgré la différence. On se surprend à se rappeler, les jeux, les premiers baisers timides, l'insouciance salvatrice, la générosité évidente. Et ça fait du bien.