Bien plus qu’un énième film sur la drogue

Avec Steve Carell en père protecteur et Timothée Chalamet qui confirme son statut d’étoile montante, MY BEAUTIFUL BOY s’annonçait comme une véritable claque cinématographique. Verdict ?


Sept ans après Alabama Monroe, Felix Van Groeningen poursuit ses portraits de familles déchirés aussi bien par leurs membres que par les trames narratives déconstruites des histoires. MY BEAUTIFUL BOY s’ouvre face à David Sheff (Steve Carell), père laminé par la disparition de son fils, Nic (Timothée Chalamet), addict à la méthamphétamine.


Aussi désespéré que déterminé, il cherchera par tous les moyens de sauver son fils qu’il aime « plus que tout ». Adapté de Beautiful Boy: A Father’s Journey Through His Son’s Addiction, le long-métrage peut sembler long et répétitif mais révèle une part sentimentale et psychologique plus importante.


Le plus intéressant dans MY BEAUTIFUL BOY, c’est sa manière d’aborder la drogue. Les chutes et les guérisons de Nic Sheff s’enchaînent inlassablement, véritable cercle vicieux. Au bout d’un certain moment, le spectateur finit même par s’ennuyer de cette répétition interminable. Il attend, patiemment, hésitant entre les deux seules fins possibles à ses yeux : la guérison du jeune garçon ou sa mort par overdose.


Loin de régler le sujet par un drame en trois actes : découverte de l’addiction, guérison puis rechute ; Felix Van Groeningen alterne ainsi les tristes récidives de Nic, les tentatives vaines de son père de le sauver et leurs souvenirs. Où est donc passé le fils de son passé ? Qu’a-t-il pu lui arriver pour qu’il en soit arrivé là ? Pas d’évènement tragique, aucun contexte condamnable, une famille recomposée avec amour et symbiose… Le réalisateur ne présuppose pas l’existence d’un « déclencheur ». Alors comment sauver ce jeune homme d’une addiction qui n’a pas de raisons ?


MY BEAUTIFUL BOY repousse les limites d’un père, poussé au désespoir par les récidives de son fils, à essayer de sauver ce dernier seulement en vie dans ses souvenirs. Steve Carell se démarque alors dans ce rôle qui lui permet d’exprimer toute la carte de ses émotions, confirmant son virage dramatique entamé depuis sa nomination à l’Oscar du meilleur acteur en 2015 pour Foxcatcher. Il incarne ici à la perfection un père obligé à voir son fils et « à pleure[r] les vivants c’est comme [s’il] n’était pas vivant ». Tel Prométhée condamné à avoir le foie continuellement manger par un aigle, David Sheff s’accable du fardeau d’essayer de sauver Nic à chacune de ses rechutes.


Car malgré ses nombreux souvenirs merveilleux avec lui, il n’a pas vu la lente déchéance de ce dernier, grand lecteur de « misanthropes et des écrivains déprimés ». Un poster de Nirvana, un roman de Scott Fitzgerald Kennedy, un poème de Charles Bukowski. Un chanteur décédé à 27 ans, un personnage qui sombre dans l’alcoolisme et la dépression, un auteur ivrogne et instable. Certains verront dans ces éléments des signes annonciateurs, d’autres seulement un jeune homme mélancolique, fasciné par les beaux mots et les âmes tourmentées.


Peut-être qu’en repensant à leur passé commun, David Sheff voit les choses différemment. Peut-être qu’en examinant son passé il cherche à trouver une explication et une solution à un problème bien plus complexe. Peut-être que ce joint partagé il y a tant d’années n’était pas qu’un simple moment de complicité père-fils ? Comment savoir… Comment le sauver et ainsi sauver toute sa famille ? Felix Van Groeningen exprime ici un ensemble de sentiments ambigus et paradoxaux, ceux d’un père cherchant à sauver inlassablement un fils qui ne s’en sort pas.


Malgré un formalisme et une spirale infernale (rémission, rechute) qui peut être fatigante, MY BEAUTIFUL BOY encourage avant tout une réflexion sur la famille, l’addiction et ses dommages. Loin du pathos, le film n’est peut-être certainement pas aussi addictif que son sujet, mais il reste donc touchant grâce au jeu incroyable de ces acteurs. Père, mère, belle-mère, frères et sœurs, tous les proches sont touchés par l’addiction de Nic Sheff. Ainsi, MY BEAUTIFUL BOY est définitivement très loin du mélodrame et du moralisme qu’on peut souvent voir sur la drogue au cinéma mais questionne les limites de l’amour familial et témoigne d’une violence psychologique intense.


Sarah Cerange


https://www.leblogducinema.com/critiques/critiques-films/my-beautiful-boy-est-bien-plus-quun-enieme-film-sur-la-drogue-critique-874553/

LeBlogDuCinéma
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le 8 févr. 2019

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