Qu'aime-t-on dans un film ? C'est la question soulevée par My beautiful boy.


Autant dire que My beautiful boy dans la manière de traiter ce thème tant éculé du toxicomane et de la désintoxication relève du génie. En effet, alors qu'on suit habituellement la descente aux enfers du principal intéressé à partir d'un point de vue externe (ou celui du malade lui-même), ici le réalisateur propose une approche toute autre : celle du vécu du papa. Un père exemplaire portant un amour absolu à son enfant. Le sujet du film n'est donc tant pas la souffrance du camé mais celle des proches qui cherchent à comprendre les raisons de l'addiction et tentent péniblement d'apporter leur aide pour mettre fin à cet enfer. On appréciera que Felix Van Groeningen prenne le temps de montrer toutes les étapes et les tentatives désespérées du père dans ce combat. Les recherches sur le net, les nuits sans dormir, les jours où chaque détail de son environnement lui fait penser à son fils, ce sentiment d'impuissance qui croit petit à petit pour exploser et enfin le lâcher prise, l'acceptation de son impuissance, la résignation à n'être qu'une béquille dans une tempête sans limites jusqu'à ce que la mort les réunisse. Il faut saluer ce travail d'orfèvre dans le décryptage des états d'âme, des étapes affectives menant au deuil du vivant. De même, le réalisateur fait le choix intelligent de ne pas donner d'explications à la toxicomanie du jeune Nicolas. Il nous offre la vision d'un addict qui a tout de la personne à la vie ordinaire et évite ainsi les clichés d'un homme addict par déterminisme social, par reproduction du modèle parental ou mal-être causé par un traumatisme. Nous voici ainsi au plus près d'une forme de vérité crue. En concentré de justesse, My beautiful boy nous livre donc une vision tragique et réaliste à la force incomparable.


Cette réussite ne serait rien sans bien évidemment des prestations impeccables du jeune favori Thimothé Chalamet (découvert dans Call me by your name) et de l'expérimenté Steve Carell.


Pour autant, qu'attendons-nous d'un drame ? Personnellement, c'est bête et méchant mais j'attends avant tout d'un drame qu'il m'émeut. Ce fut le cas. Sans qu'elles ne parviennent à prendre leur envol, les chrysalides de larmes ont bien envahi mon champs oculaire. Toutefois, ce refus du pathos dans la réalisation limite l'explosion des sentiments, ce qui, selon moi, est préjudiciable. A force de vouloir être vrai, le film en oublie l'importance de la sublimation de la fiction.


Autre point, j'attends aussi qu'il me captive. Et là il y a un gros hic. Les 2 h de My beautiful boy sont malheureusement bien trop longues. Comme je m'efforce de le répéter (sans jamais l'appliquer) : l'économie est mère de génie. Le film exceptionnel se distingue des bons films par la nécessité de chacun des plans. Chaque scène doit être à sa façon indispensable. Et c'est bien dommage mais My beautiful boy mériterait de se faire rafraîchir les pointes. Comme cette coupe ne viendra jamais et qu'il gardera pour toujours cette tête attachante mais lassante, My beautiful boy, en poussière d'étoiles, échoue aux portes du chef d'oeuvre.

besttosee03
7
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le 10 mai 2020

Critique lue 144 fois

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