Clint Eastwood est décidemment LE grand réalisateur de cette décennie avec des films profondément humains. Tour à tour il suggère, montre, nous met des claques toujours avec ce talent de perception de l’âme humaine dans le meilleur comme dans le pire, sans pathos ni misérabilisme.

Mystic River est sans conteste un de ces bijoux qu’on n’oublie pas et qui ne déroge pas à l’introduction ci-dessus. De sa laideur, de sa noirceur nait la beauté d’un constat réaliste : nous ne sommes que des êtres humains avec nos travers, nos blessures et leurs empreintes indélébiles.

Adapté du livre de Dennis Lehane, Clint Eastwood signe là un magnifique drame humain.

Boston 1974. Un quartier populaire abritant la classe moyenne américaine. Trois amis, trois enfants. Dave prend malgré lui une direction tragique qui scellera à jamais son destin . Quinze ans plus tard un autre drame : le meurtre de la fille de l’un deux, sauvagement assassinée. L’enquête, le doute, la vengeance : Le décor est planté : sombre, étouffant, marquant.

L’atmosphère oppressante est due entre autres aux lieux : rues, immeubles, perrons, commerces de quartier, les abords proches du lac, donnant cette sensation de huis clos brumeux qui semble emprisonner les héros. Comme si le réalisateur ne voulait laisser s’échapper aucun des protagonistes pour les confronter à leurs destins et aux drames qui se nouent. Le temps semble s’être arrêté pour retenir toute l’intensité de cette histoire.

Le scénario distille habilement les indices tout au long du film, laissant le doute planer uniquement en zoomant sur les personnages et leurs comportements. On s’interroge constamment sur l’identité du coupable : On se surprend à suivre le flic (Kevin Bacon), le père avide de vengeance (Sean Penn), l’épouse (Marcia Gay Harden) percluse de doutes, vers ce personnage ambigu qu’est Dave (Tim Robbins), et nous rallient dans leurs soupçons sur celui qui est finalement la principale victime de l’histoire. Eastwood maitrise l’art de la suggestion en laissant planer le doute jusqu’à la fin.

L’intrigue autour de laquelle s’articulent des personnages attachants nous dévoile toute la complexité de l’être humain, le désespoir palpable des protagonistes : chacun d’eux luttant contre leurs démons respectifs.

Pour cela, le réalisateur s’entoure d’acteurs magistraux pour nous offrir un film d’une complexité singulière. Sean Penn (Jimmy Markum), incroyable de justesse en voyou italien dévasté par la colère et le chagrin et dont la vengeance aveugle n’aura d’égale que sa haine, Tim Robbins (Dave Boyle), inoubliable en être ambigu et ravagé par le souvenir des quatre jours passés avec ses ravisseurs, Kevin Bacon (Sean Devine) en flic trop impliqué sentimentalement, en proie au doute et porté sur l’alcool.

La sensation de malaise ne nous quitte pas : tous les sujets dérangeants sont ici évoqués (la pédophilie et ses irréversibles conséquences, la vengeance aveugle, l’inconscience de la jeunesse, la trahison)…

Ce film amène tout en subtilité à une réflexion sur le destin, parallèlement à une enquête sur le passé. Filmé sobrement et paré de la beauté des grands films « classiques », cette œuvre fluide et simple nous gratifie de plans esthétiques et soignés. Elle s’inscrit (comme la plupart des réalisations de Clint Eastwood) en porte à faux à l’idéologie de la loi du Talion.

Si il est un reproche à formuler à ce bijou cinématographique, c’est un rythme un peu lent qui aurait mérité par moments d’être plus enlevé, mais qui n’ôte rien à la beauté de ce petit chef d’œuvre signé Clint.
Céline_Lithoya
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le 11 juin 2013

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Céline Lithoya

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