Marina De Van, ancienne étudiante à la Fémis et actrice-scénariste pour François Ozon (entre autres activités), sort son premier long métrage en 2002, Dans ma peau, dans lequel elle interprète une femme qui s'automutile et goûte à sa propre chair. J'ai vu ce film très remarqué (et génial) deux fois au cinéma, d'abord à sa sortie, puis quelques mois plus tard lors d'une projection spéciale au Forum des Images en présence de Marina De Van, qui a répondu aux questions du public. J'avais eu l'occasion de la rencontrer ce soir-là, suite à quoi je lui avais envoyé un article que j'avais écrit à propos de son film - j'ai encore quelque part la réponse qu'elle m'avait faite depuis un hôtel de New-York.
Sept ans plus tard, son second long métrage est sélectionné en compétition lors du récent Festival de Cannes : Ne te retourne pas, ou l'histoire d'une femme (Sophie Marceau) qui constate des changements mystérieux autour d'elle et qui se transforme progressivement en une autre (Monica Bellucci). Il paraît que lors de la projection, le public cannois a ricané devant les effets spéciaux, jugés cheap. Je les ai pour ma part trouvés au contraire très bien faits, voire franchement bluffants par moments ; ils servent en tout cas très efficacement l'histoire, même si on pourrait leur reprocher de devenir pour le coup un poil trop explicitement symboliques dès lors que l'intrigue commence à s'éclaircir et à trouver sa résolution.
Ne te retourne pas est un thriller psychologique (voire psychanalytique) très troublant et parfois assez angoissant, très bien réalisé (la scène de danse lors d'une fête italienne ou bien celle de la transformation dans un club de poker sont toutes deux superbes), porté par une très belle musique et interprété par deux actrices dont la fusion (pour le coup au sens propre) est assez fascinante.
On y retrouve les thèmes déjà présents dans Dans ma peau (les mutations du corps, l'impact du psychique sur l'apparence, les cicatrices et ce qu'elles portent de métaphorique, le corps comme représentation symbolique de notre identité intérieure et la relation parfois chaotique entre les deux, l'idée d'une réalité intérieure plus forte que la réalité extérieure...), et même si l'explication finale paraît un peu fade en comparaison du labyrinthe extrêmement troublant dans lequel Marina De Van plonge le spectateur, l'ensemble reste tout à fait enthousiasmant. Heureux
Finalement, Ne te retourne pas est à la fois un film d'auteur français (très intellectuel) et un thriller à grand spectacle qui a les atouts d'un blockbuster américain (grosses stars à l'affiche, beaucoup d'effets spéciaux) : un film hybride, donc forcément intéressant !