Fable mièvre & (relative) torture
"Ninja Turtles" où l'archétype du film qui confirme un peu plus une chose. En somme, lorsque l'on parle de films de super-héros, ce genre rime de plus en plus avec Marvel et dans une moindre mesure Warner et Sony. C'est d'autant plus ironique qu'il m'arrive de comparer un Marvel avec un autre, d'arriver à définir une hiérarchie "claire" quand la logique voudrait que l'on compare ses mêmes films avec les comics...que je n'ai pourtant jamais ouvert.
Sacré tour de force réussi par le studio Marvel! Plus qu'un bulldozer, le studio aura su établir et imposer des normes, des standards sorte de viatique indispensable pour convertir une franchise en un succès incontestable et incontesté. Loin d'un éventuel procès (idéologique, nivellement cinématographique, uniformisation de la réalisation), force est de constater le succès de ce que l'on pourrait appeler un cahier des charges.
Du coup, on a l'impression que le film bafoue ce cahier des charges ce qui expliquerait dès lors cette sortie de route en règle. Cette sortie de route commence dès les premières secondes du film: pourquoi cet hommage à l'appli Fruit Ninja?
Plus sérieusement, tout porte à croire que Marvel a encore des beaux jours devant lui. Le bon point de cette énième variation sur les figurines tient sûrement dans le respect de la trame d'origine dans ses grandes largeurs. Assez fan du dessin animé, c'est avec un plaisir quelque peu nostalgique que l'on voit ressurgir les 4 tortues ninjas. Idem pour la galerie de personnages secondaires. On tentera de fermer les yeux sur cette réactualisation de certains personnages comme celui de Vernon, version Laurent Delahousse du reporter (et sorte de symbole du reporter soucieux de son image) ou d'April O'Neil (la combi jaune en moins, l'interprétation en moins aussi avec la "performance" de Megan Fox). De même, après deux minutes (voire dix), on saura se faire à la morphologie et à l'esthétique donnée aux Tortues Ninjas: pas magnifiée, ni fantasmée mais exagérément bodybuildé et trop imposante pour croire que les 4 héros sont...adolescents.
Ce "vautrage" prend ses racines aussi dans une réalisation "aléatoire": les plans comme les chorégraphies des combats sont ratés. C'est d'autant plus rédhibitoire quand on voit comment sont introduits la plupart des combats (vintage à la limite de la parodie par moment), comment ils sont (mal) filmés et (mal) cadrés (que de flou, de zoom...). Le point culminant de ces maladresses tient dans ce magnifique effet de caméra qui effectue une rotation, mouvement plus jamais vu dans le cinéma d'action depuis belle lurette.
Du coup, le rythme pâtit de cette mauvaise réalisation. Les temps "faibles" sont trop criants et débouchent irrémédiablement vers une surenchère (de mauvais goût la plupart du temps) pour bien souligner que l'on entre dans un temps fort.
Et que dire de la perception que projette le film sur le Japon et l'Asie en général. Passe encore sur l'utilisation des "valeurs" inhérentes qui rendent l'Asie si bankable au cinéma (l'art de la guerre, de l'anticipation, du sacrifice, de la manière de jauger une situation pour en tirer bénéfice), mais alors pourquoi réduire la pratique des arts martiaux à de l’entraînement, du labeur & à du dépassement de soi (à titre individuel et collectif) en omettant la philosophie et les principes qui en découlent ? De même pourquoi se sentir obliger de choisir un acteur au timbre de voix et à l’accent si "pittoresque" presque caricatural pour "incarner" Shredder ? Bref ce qui fait que la pratique d’un art, qu’il soit martial ou pas, a une incidence sur la vie du pratiquant, sa perception et la considération du monde qui l’entoure, le film l'omet volontairement se concentrant sur le caractère primaire de l'art martial. De fait, c'est toute l'intrigue qui se trouve impacté par ces raccourcis. Si l'on devine assez facilement l'intrigue, un peu plus de nuance, de profondeur dans celle-ci aurait aidé à passer un meilleur moment.
Finalement, c'est peut-être le personnage de Vernon (interprété par Will Arnett que l'on a connu plus audacieux dans ses choix) qui résume le mieux ce film: face à l’opiniâtreté d'April O'Neil à dénicher ce fameux scoop qui la fera entrer par la grande porte dans le cercle des journalistes qui comptent, Vernon la rassure en comparant l'apport de ces reportages (dans la dite scène, le sujet du reportage est le fitness basé sur le mouvement des oiseaux) avec l'écume, la crème fouettée dans un café . Un peu comme ce film en fait: loin d'être indispensable (que l'on connaisse ou non la version originale), gourmand et à la limite du mauvais goût tellement cette adaptation nuit au dessin animé d'origine. Et si Michael Bay comptait concurrencer voire marcher sur les plates-bande de Marvel, ce film n'est pas que raté, il renferme tous les faux-pas possible à commettre afin de dégager, in fine, une voie royale à Avengers, Ant-Man et autres Thor. Aussi, que dire si ce n'est être coi quand on sait qu'une suite à ce film semble déjà être prévue...