Nocturnal Animals a directement lancé les hostilités en cette année 2017. Avec son casting de haut niveau, son ambiance et son intrigue mystérieuses, il proposait tout ce qu’il y avait de plus alléchant pour nous, spectateurs curieux et avides de nouvelles expériences. Force est de constater que le film ne semble pas faire l’unanimité, mais il semblait bon de s’y intéresser, et pour ce qui est de ma modeste opinion, je dois avouer que j’ai été satisfait. Attention, la critique qui suit contient des spoilers de l’intrigue.


L’histoire s’intéresse d’abord à Susan, artiste aisée vivant dans une grande villa, mariée avec un homme d’affaires visiblement plus jeune qu’elle. D’abord, le film s’apparente à une satire à peine voilée d’une classe bourgeoise superficielle, hors des réalités, cultivant le faste et l’apparence pour mieux cacher des malheurs et des doutes intimes. Avec une ouverture surprenante, une esthétique léchée et une musique envoûtante, Nocturnal Animals développe rapidement une atmosphère hypnotique intrigante et captivante. Le récit change cependant de point de vue et d’objectif quand l’ex-mari de Susan, Edward, lui offre le dernier livre qu’il a écrit, lequel lui est d’ailleurs personnellement dédié. Et c’est la lecture de ce livre, et ses effets sur Susan, qui va devenir la clé du film, et expliciter son réel sens.


Racontant le départ en vacances d’une famille agressée par des voyous, le livre est rapidement mis en parallèle avec le passé des deux protagonistes. Peu à peu, nous découvrons la rencontre d’Edward et Susan, les relations tumultueuses de cette dernière avec sa mère, la fin abrupte de leur relation, laissant Edward dans l’incompréhension… Représenté sous les traits d’Edward, le héros du livre est le symbole du deuil amoureux de ce dernier. Homme sans histoires, il est trahi par le sort, la vie lui arrache les êtres aimés, et dans sa quête de vengeance, il y laisse sa propre raison et sa propre vie. Susan, à la lecture du livre, est bouleversée. Elle apprend de manière fortuite que son mari, celui pour lequel elle a délaissé Edward, la trompe. Edward, lui, demeure une énigme, et, jusqu’aux derniers moments du film, sa présence se fait attendre, jusqu’à ce que l’inéluctable se produise : Edward ne viendra pas.


La trahison suinte tout au long du film. Susan, alors déterminée à ne pas suivre la même voie que celle empruntée par sa mère, se voit contrainte de trahir ses propres convictions pour éviter le risque de mener une vie de débrouille. Elle doit trahir Edward pour un homme qu’elle vient à peine de rencontrer, au point d’avorter d’un enfant dont il n’avait pas encore la connaissance. Elle est trahie par ce même homme qui lui ment pour fréquenter d’autres femmes. Et Edward est la victime collatérale de toutes ces trahisons. L’amour volé, l’enfant perdu, et le désir de revanche sont clairement explicités à travers l’intrigue interne racontée par le livre, choix astucieux permettant de rompre la linéarité du récit et de jouer la carte de la parabole pour un résultat plus impactant.


Edward, le jeune auteur fauché et idéaliste en lequel Susan ne croyait pas, se dévoile à travers ce livre, explicitant toute la rage qui l’habite, sa volonté de se venger de l’injustice, qui l’a transformé en un homme qu’il n’était pas, mort dans l’âme, sacrifié sur l’autel d’une société qui ne voulait pas de lui. Comme un accomplissement en demi-teinte, il prouve alors à Susan que l’auteur idéaliste qu’elle voyait en lui, était capable de la toucher en plein cœur. Il est, parfois, possible de reprocher au film son manque de finesse, malgré des premières minutes hypnotiques et des parti-pris visuels très judicieux. Toutefois, il se distingue par une intrigue à tiroirs judicieuse, un déroulement retors mais pas trop, avec une histoire qui parvient à toucher le spectateur. Accompagné par une superbe bande originale signée Abel Korzeniowski (Penny Dreadful), Nocturnal Animals est un thriller psychologique hypnotique et captivant qui fait partie des belles surprises de ce début d’année.

JKDZ29
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le 6 mai 2017

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