Trois tiroirs.

Aussi saugrenu que soit Tom Ford en tant que réalisateur, il a pourtant acquis une réelle légitimité en seulement deux films, d'une part avec le très beau A single man, et puis avec celui-ci, qui fait montre d'une grande ambition.
L'histoire est à la fois simple et complexe : une galeriste d'art vit une existence morne, réglée au millimètre, et avec un mari absent. Un jour, son ex-époux lui donne à lire son premier roman qu'il lui a dédié, Nocturnal animals, une histoire de vengeance pour faire vite, et cette lecture va lui provoquer des souvenirs.

Et là encore, j'ai essayé d'être le plus évasif possible, car c'est un film très riche, qui est construit sur trois espaces-temps, à savoir la réalité, la fiction (le roman), et le passé, dont toutes les scènes s'imbriquent de manière très habile, de sorte à ce que le visionnage nécessite une grande concentration, sous peine d'être largué.
Mais j'aime ce cinéma exigeant, qui pourrait flirter avec du Lynch, où chaque détail, y compris les états et les poses, a son importance. La critique qu'on peut en faire est très difficile, au risque de dévoiler des secrets qui nuiraient au futur spectateur, mais Tom Ford n'a peur de rien, y compris un générique assez...remuant, on va dire, mais qui dit déjà quelque chose sur la personnalité d'Amy Adams, que j'ai trouvé remarquable. Tout comme le reste du casting, Jake Gyllenhaal, Michael Shannon, Aaron Taylor-Johnson ou Laura Linney qu'on voit dans une seule scène, mais décisive.

Il en résulte un film formidable, où la patte Tom Ford, qu'on pouvait reprocher dans A single man (les habits) n'est pas aussi présente, celui-ci étant au service de son histoire, très forte, qui convoque mine de rien trois espaces-temps. Servi par l'excellente musique qui rappelle du Philip Glass, voilà une grande réussite, et j'espère que Tom Ford ne va pas prendre encore sept ans pour réaliser un troisième film.