Objectivement, Noé n’atteint pas l’exigence et la complexité des précédents films d’Aronofsky. En cela, c’est une vraie déception. Paradoxalement, le principal reproche qu’on pourrait faire à son Noé, c’est son manque de risques et d’ambition (oui, paradoxal quand on sait qu’il a coûté 150m$), qui rend son scénario attendu, parfois absurde, souvent léger. A vouloir remplir le cahier des charges du blockbuster Hollywoodien, Noé y perd forcément un supplément d’âme.
Qu’il y ait des invraisemblances, c’est assez normal dans la mesure où l’axe envisagé est celui de la fable. A partir du moment où on accepte que Noé soit aidé par des anges déchus transformés en homme de pierre pour construire son arche, on peut accepter beaucoup de choses. Le problème réside plus dans les petites facilités scénaristiques qui en font un blockbuster honnête, mais pas forcément au dessus de la mêlée, comme on aurait pu l’espérer de la part du réalisateur de Black Swan et Requiem for a Dream. Ce scénario bancal affaiblit le propos du film, lui aussi un peu confus.
On devine à travers le personnage de l’intègre Noé, les thèmes chers à Aronofsky. La frontière entre le bien et le mal, le libre arbitre, le renoncement ou la prise de conscience. C’est sans doute la partie la plus réussie et la plus intéressante de ce peplum biblique, la persévérance de cette homme à poursuivre sa mission divine jusqu’au fanatisme, jusqu’à se renier lui-même, jusqu’à condamner le siens.
Plus appuyé et donc plus faible, le discours écolo frôle la démagogie en se faisant l’écho de la situation dans laquelle se trouve notre planète de nos jours. On sait, c’est pas bien, il fait réagir…
Reste une réalisation parfois un peu pompière, qui alterne entre des scènes surchargées et indigestes et d’autres à la beauté sidérantes. Le film est parcouru de morceaux de bravoure assez impressionnants, et quelques respirations inspirées élève parfois Noé au dessus du lot (la création du monde). Il s’appuie surtout sur des interprètes investis et touchants, défendant des personnages qui, à part Noé, restent traités assez superficiellement. On pense surtout à la superbe Jennifer Connely, à qui le réalisateur offre une scène bouleversante, mais aussi à la choupinette Emma Watson et au formidable Logan Lerman (Le monde de Charlie). Russel Crowe quand à lui promène sa carrure bourrue et massive avec un charisme indiscutable, que sa voix puissante et posée finit d’imposer.
En voulant à tout prix offrir un spectacle total, Aronofsky manque sans doute son film total. Si ses obsessions sont bien présentes, elles sont parasitées par les exigences d’un film à grand budget. Malgré la boue, malgré l’eau, malgré le feu et le sang, son Noé est trop propre, trop réglé pour nous pousser à la réflexion et s’attarder plus longtemps sur le sort de son personnage et de son grand dessein.