Hué au dernier Festival de Cannes, descendu par l’ensemble des critiques et, pour finir, ravagé par la distribution française, « Nos souvenirs », dernière création de Gus Van Sant, risque de faire un énorme flop. Quant à la distribution française, afin d’en finir rapidement, je trouve la façon de procéder lamentable. D’un postulat de départ Gus Van Sant/McConaughey perdus dans la forêt des suicides, la France se positionne une nouvelle fois dans le mièvre et le ridicule. « The Sea of Trees » est un nom certainement trop complexe pour les cerveaux des français. Il faut quelque chose qui balance, créons un visuel dans la veine de « Love Actually » pour cibler un certain public, puis renommons le « Nos souvenirs », pour cibler encore plus subtilement ce même public. Détesté à Cannes, les cinéphiles n’iront certainement pas le voir, ce sont probablement dit les distributeurs. Merde, Gus Van Sant serait-il devenu le Michael Bay du film sentimental ?


Mercredi 27 Avril, jour de sa sortie française, nous étions deux en salle.


Décidé à mettre fin à ses jours au pied du Mont Fuji, dans l’immensité de la forêt d’Aokigahara, Arthur Brennan (Matthew McConaughey) fait la rencontre de Takumi Nakamura (Ken Watanabe), un homme proche de la mort, les poignets lacérés. L’obscurité tombant violemment sur l’épaisse forêt, Arthur décide de lui venir en aide. Tout semble opposer les deux hommes qui vont vivre ensemble une leçon de vie, et d’ouverture. Se remémorant les moments les plus marquants de sa vie de couple avec Joan (Naomi Watts), Arthur revoit les épreuves de la vie défiler devant ses yeux.


Plus bavard que bien des œuvres de Gus Van Sant, « Nos Souvenirs » débute sur un vol au dessus de l’immensité verte. L’âme entre immédiatement en jeu. Arthur apparaît, inquiet, perdu, mais déterminé dans son jugement. Il s’envole pour la forêt des suicides. Enfin assis sur un rocher, il faut en finir. Mais apparaît Takumi, blessé et égaré. Pour en finir, il faudra attendre encore, puisque Arthur prend alors en charge Takumi pour le conduire vers la sortie. Oui mais quelle sortie ? Il n’y a pas de sortie. C’est une forêt où les âmes envolées gardent en leur cœur les âmes vivantes. En passant par un semblant de survival movie, « Nos souvenirs » s’étend aussi sur la relation compliquée qu’entretenait Arthur avec Joan : passionnelle et cruelle.


Gus Van Sant nous suspend dans les airs comme une âme qui flotte et converse presque avec les rares personnages présents dans ce récit. Le pseudo mysticisme du film revient souvent dans les critiques violentes à propos de cette œuvre. Pour ma part je n’ai vu que très peu de traces de ce thème, seulement un élan poétique allant à l’encontre de la conception occidentale de la mort et de son traitement. Un élan intéressant mais qui aurait peut-être mérité à certains moments moins de dialogues et surtout moins de musique. C’est sur ce point qu’on ne comprend pas vraiment ce qu’il s’est passé dans la composition musicale de Mason Bates, certainement excellent compositeur. Ici, il fait le choix du blockbuster, de la mièvrerie version film de Disney, qui plonge certaines séquences et certains dialogues dans une sorte de niaiserie, certainement moins présente voir absente sans musique. Tout teinte, brille et éclate musicalement, alors que l’on attend du calme, de la poésie, de l’atmosphérique comme sait le faire Gus Van Sant. Un peu trop omniprésente et véritablement hors contexte, la composition de Mason Bates handicape le film et ne lui permet pas d’accéder aux hauteurs célestes qu’ont pu atteindre de nombreux films de Gus Van Sant. Légère et maîtrisée, la mise en scène nous laisse tout de même de beaux moments, et une ambiance prenante. Très bien filmé, « Nos Souvenirs » met en scène la forêt, véritable pièce à conviction et élément principal dans le déroulement de l’histoire. Les nombreux flash-backs deviennent, au cours du récit, des éléments de mémoire pour la flore environnante, et constituent pièces par pièces la véritable âme de la forêt : un spectre changeant ou chaque voyageur de la mort, égaré, peut y trouver des réponses. L’humain n’y agit plus comme un robot, il égare ses tracasseries quotidiennes en cours de route et resitue son être dans le tout et la simplicité.


La suite de la critique sur le site Le Cinéma du Ghetto : https://lecinemadughetto.wordpress.com/2016/04/28/nos-souvenirs-2016/

Charlouille
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le 28 avr. 2016

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