Il s’agit donc de la suite directe des Petits mouchoirs. Dix ans plus tard. Rien de nouveau sous le soleil du Cap Ferret. Toujours la même sensation de voir le film d’un type qui s’excuse d’avoir le fric et la réussite, au point qu’il l’intègre maintenant dans le récit : Max (François Cluzet, son héros dépressif) ne s’attaque plus aux fouines qui vadrouillent dans ses cloisons, mais il doit vendre sa maison de vacances car il a fait un mauvais placement. Heureusement ses potes sont là. Ce sera évidemment un poil plus compliqué que ça, mais au final ils seront là, le sauveront du suicide et feront en sorte qu’il garde sa jolie baraque.


 Avec Nous finirons ensemble, il devient évident que Canet ait voulu réaliser son dyptique à la Yves Robert. Rien que le titre évoque Nous irons tous au paradis. S’il ne lui arrive évidemment pas à la cheville, c’est moins pour sa faculté à créer un groupe et des individualités fortes, que dans sa propension à jouer les cyniques. Il y a d’abord  ce vulgaire étalage sans vergogne : Ils ont leurs bateaux, catamarans, golfettes privées, ils font des sauts en parachute, se louent un chalet gigantesque, bref c’est un joli cadre de dépression et ça semble tout à fait normal. C’est la normalité de toute bande de potes, semble dire le film. Mais le pire c’est ce mépris de classe permanent : Quasi tout le monde est moqué là-dedans c’est terrible. Le film ne cesse de dire : Les gens sont cons. Alors évidemment il n’est pas très tendre avec ses personnages principaux non plus, mais ce sont des personnages qui existent donc on s’y attache, on les apprécie avec leurs défauts, tandis que les autres ne font que passer, ce sont tous des connards en une (le vacancier sur le parking, les acheteurs) ou plusieurs (la nourrice, l’agent immobilier) apparitions. On ne leur donne pas de place pour être autre chose. Et c’était déjà ça dans Les petits mouchoirs. C’est vraiment ça le problème, le fléau du « film de potes ». Quand on regarde les films de Sautet ou ceux d’Yves Robert, ça ne tombe jamais là-dedans. Il n’y a pas un personnage qui va déverser sa haine (Lellouche dit clairement « La grosse » puis « Ferme Ta Gueule » sans qu’on ne lui en veuille, le pauvre, avec la tentative de suicide de son poto sur les bras) sur une nounou relou, qu’on va regarder partir en nous obligeant presque à penser qu’il a raison. Franchement je ne comprends pas qu’on puisse écrire un truc comme ça.
Bref, c’est souvent dégoulinant de gêne, parfois carrément gerbant de condescendance (Tous ces figurants réduits à n’être que des pantins méprisés, sacrifiés pour servir la soupe à un membre de la team-Caneton) mais il y a aussi des instants plus réussis dans l’intimité, où le film réussit à nous faire croire en l’existence de ce groupe, cette amitié électrique, fragile et tenace. Et le fait de l’ancrer dix ans après l’original lui permet de trouver une mélancolie dont il ne se cache pas (Dujardin fera même une apparition) et sans doute aussi une plus grande liberté avec le côté chronique, parfois même burlesque – Merci Laurent Lafitte, qui se prend toujours autant de râteaux, continue d’être toujours aussi maladroit (« Le crabe c’est pour elle ! ») et qui malgré tout, reste un personnage assez attachant. Bonus tronche de Coluche dans Banzai, le pauvre : Une vilaine histoire de chenilles récalcitrantes, juste après qu’il ait dit aux ados d’arrêter de jouer avec leurs téléphones, qu’ils sont des gamins chiants, que lui quand il était petit il écrivait des poèmes, faisait des cabanes dans les arbres.
Si comme le premier je n’arrive pas vraiment à détester ça (quand bien même j’abhorre ce qu’il véhicule, socialement, humainement, cinématographiquement) c’est en grande partie parce que les acteurs sont excellents, chacun dans leur registre. Il faut passer outre de nombreux frissons de la honte, certes, mais je ne vais pas mentir : Le film me fait parfois rire, sur une vanne ; Sait m’émouvoir, sur un regard.
Au final je le préfère à l’original, je crois, car je m’y sens beaucoup moins manipulé. Entre le terrible plan-séquence d’ouverture, l’homosexualité refoulée du copain, le crescendo mélodramatique, Jean-Louis et le « T’es une belle personne », le chantage émotionnel des Petits mouchoirs, c’était quelque chose. Là il me semble que le film est plus doux. Ou alors c’est parce qu’on a compris son petit manège. L’inondation musicale ne choque même plus.
JanosValuska
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le 21 avr. 2020

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JanosValuska

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