Dans cette critique, je vais simplement tenter d'énumérer les points forts (notamment les références et hommages) et les points faibles de ce nouvel opus des aventures d'Hubert Bonisseur de La Bath, sorti 11 ans après OSS 117 : Rio ne répond plus, de Michel Hazanavicius.


Puisqu'il s'agit de décortiquer le film (dans sa forme surtout), ce texte comporte un bon nombre de SPOILERS (masqués).


(Je précise que tout ceci n'est qu'un avis après avoir vu le long métrage une seule et unique fois.)



● Le monde il bouge, et il bouge vite



Si le monde a effectivement changé, le réalisateur de ce troisième opus aussi. Nicolas Bedos a donc la grande tâche d'essayer de ne pas trop abîmer cette saga désormais culte pour un grand nombre de francophones (moi le premier). Il faut donc à la fois réinventer le personnage, le casser un peu plus, tenter de nouvelles choses, tout en gardant l'essence du personnage. Défi compliqué, mais assuré par l'écriture de Jean-François Halin, scénariste des deux premiers volets.


Évidemment, le film souffre donc forcément de la comparaison qui lui est faite avec les deux premiers opus.



● Points Forts



La BO composée par Anne-Sophie Versnaeyen et Nicolas Bedos


Les BO des deux premiers films, composées par Ludovic Bource, étaient très réussies. C'est aussi le cas pour Anne-Sophie Versnaeyen et Nicolas Bedos.


L'inspiration principale vient bien entendu des James Bond des années 80 période Roger Moore, notamment la BO de Bill Conti (Rien que pour vos yeux, 1981). Le morceau La panne [1] ressemble fortement au thème Take me Home [2] de Rien que pour vos yeux). Mais aussi John Williams pour l'esprit Indiana Jones, Claude Bolling (Le Magnifique, 1973) ou encore John Barry pour (toujours) l'esprit bondien (le morceau Micheline [3] ressemble très étrangement au thème du film Dangereusement Vôtre [4], autre opus de James Bond sorti en 1985).


Toutes ces références s'entremêlent donc. Le Magnifique où Jean-Paul Belmondo campe un agent secret fantasmé à la James Bond ; Indiana Jones est basé sur plusieurs œuvres : James Bond, L'Homme de Rio (ce dernier étant une libre adaptation de Tintin, avec encore une fois Jean-Paul Belmondo, qui plus est, "mentor" de Jean Dujardin).


Des références diverses


Voici une liste en vrac d'hommages / inspirations retrouvées dans le film :


L'homme de main (Kazimir) : écho direct à l'homme de main Tee Hee de Vivre et laisser mourir, et au méchant (Red is Dead) dans La Cité de la Peur.


Les costumes portés par Jean Dujardin, faisant évidemment écho à ceux de Roger Moore dans les James Bond.


Les sosies du président Bamba, rappelant les doublures de Blofeld dans Les Diamants sont éternels.


La scène de la tentative d'assassinat avec le serpent dans le lit d'Hubert, rappelant James Bond contre Dr No et Vivre et Laisser Mourir.


La position prise par OSS 117 auprès de Zéphyrine dans la "suite nuptiale", rappelant beaucoup Jean-Paul Belmondo dans la même position, auprès de Jacqueline Bisset dans Le Magnifique.


La présence des agents Calot, Jacquard et Moulinier, personnages de la série Au Service de la France, dans les bureaux des services de renseignements français.


L'humour


Les blagues sont-elles de bonne qualité ?
Sont-elles à la hauteur de celles des deux premiers volets ?



Je vous répondrais oui ce serait de la prétention, je vous répondrais non ce serait de la bêtise.



Je pense sincèrement que ce OSS 117 n'a pas à rougir (enfin si, par rapport au titre du film. Rougir. Alerte rouge... C'est une astuce...) de ces prédécesseurs en terme d'humour. Évidemment, il est difficile de passer derrière ces films avec de telles phrases devenues cultes avec le temps. Je n'ai pas eu la chance de découvrir les deux premiers films au cinéma, donc je ne saurais pas dire si les répliques étaient cultes dès leur sortie. Je pense plutôt le contraire à vrai dire. J'ai l'impression que la culture Internet et les memes ont permis davantage l'essor et "l'apprivoisement" de ces films.
Laissons le temps au film d'être apprécié, il faut sans doute le digérer un peu plus avant d'y retourner.


Certaines situations et répliques sont des déclinaisons évidentes (plus ou moins efficaces, mais pas forcément inattendues). En effet, les fans connaissent tellement l'écriture de Jean-François Halin que certaines répliques sentent le réchauffé. Mais c'est là toute la difficulté. Faire différent tout en restant dans la même veine.


Cependant, certaines séquences sortent tout de même du lot et réussissent leur effet comique.


Je pense par exemple à la scène où OSS 117 charme un serpent avec son silencieux en guise de flûte, reprenant l'air de L'île aux enfants de Casimir. Toutes les blagues autour de Casimir fonctionnent bien.


Au détour un dialogue sur les origines ethniques de Zéphyrine, on apprend qu'Hubert est berrichon.


La lecture de Tintin au Congo, pour "apprendre la culture africaine".


Par excès de zèle, Hubert se fait arnaquer en portant ses propres valises tout en donnant systématiquement un pourboire au majordome de l'hôtel.
Même chose avec les cigarettes qu'il donne aux enfants (il en oublie de suivre Léon).


La scène où Hubert interroge Léon, en lui demandant pourquoi il parle allemand, donne lieu à des répliques sympathiques : "Pourquoi il parle allemand lui ? / Que faisiez-vous en 1940 ?"


Lorsque le président Bamba reprend Les sucettes de Serge Gainsbourg, au piano.
Lorsqu'il demande à Hubert ce que fait un enfant lorsqu'il est triste, et que ce dernier répond qu'il boit.


Lorsqu' OSS 117 reconnaît OSS 1001 dans la prison, que ce dernier lui dit qu'il était en couverture, Hubert rétorque qu'il fallait le dire (devant les autres prisonniers).


La course entre 117 et 1001, ridicule, où Hubert essaye de couper la course de Serge.


La scène où il repense à la France, à Giscard, à Renault, pour assurer le coup.


Le combat où OSS 117 abuse de la portière contre Kazimir (Pince à sucre).


Lorsqu'Hubert coupe la musique [1] (supposée extradiégétique) lors de la scène dans le lit avec Micheline.


Les références à l'affaire des diamants de Bokassa et à l'attrait du président Giscard pour les safaris.


Lorsque la secrétaire Josie dit à Hubert qu'elle a pris une ride et qu'il insiste dessus (plus le rhinocéros/hippopotame? porte-bonheur).


De manière générale, le film est bourré de fusils de Tchekhov.
À l'occasion je reviendrai compléter cette section.


La réalisation


Cette section va permettre de faire la transition entre les points forts et les points faibles de ce film.
D'une certaine manière , la réalisation est réussie, mais je vais développer mon propos et le nuancer dans la partie suivante.


L'utilisation de zooms rapides sur des éléments précis, tels que sur des hommes de main, une mallette, appuie l'hommage aux films d'espionnage.



● Points neutres et négatifs



Évidemment, ce film n'est pas parfait. Des défauts communs avec les deux premiers films sont à souligner.


Le générique et la chanson de début "From Africa with Love" [[6]] encapsule une bonne partie des points positifs et négatifs de ce OSS 117 - Alerte rouge en Afrique noire.
Si celui-ci est réussi et rend bien hommage aux films de James Bond (titre rappelant From Russia with Love) avec une voix à la Shirley Bassey (et/ou Tina Turner) et une chanson à la Goldfinger ou For Your Eyes Only , je note certaines choses qui peuvent déranger.


L'intention, l'idée générale est là, mais pas aussi précise, la preuve donc, avec ce générique.
Si l'idée était d'être totalement raccord avec les années 80, le générique aurait dû être plus "sobre" et artisanale, comme ceux réalisés par Maurice Binder (voir les génériques des James Bond des années 80).


Ici, la photographie est très belle, propre. Trop propre même.
Alors attention, je ne crache pas sur la photographie, qui donne un très beau rendu et du cachet au film.


Mais si l'on ajoute des effets divers et des animaux en images de synthèse (pas comme à l'époque donc), et bien ça ne marche plus.
On tend plus vers un générique type Goldeneye, et donc vers le milieu des années 90 (voire Skyfall pour certains effets visuels).


NB : Le générique de Le Caire : Nid d'espions rendait hommage aux génériques de Saul Bass, mais était aussi animé par ordinateur et donnait un effet presque trop propre.


Cette critique du générique s'applique donc aussi pour le long métrage entier.


En effet, Nicolas Bedos ne s'efforce pas à filmer "à la manière de" l'époque, comme Michel Hazanavicius s'est appliqué à le faire dans les 2 premiers opus.


L'intention de coller au style de l'époque, ou plutôt au style des films d'espionnage de l'époque, passe plus par le choix de l'intrigue, des décors, des costumes et de la musique. Le montage, notamment l'utilisation presque compulsive de transitions en volet ou en cercle, permet de rendre hommage à ce style.


La caméra est plus mobile, permettant de jolis plans séquences, des plans grues, des plans aériens (Encore une fois, le rendu est très agréable, mais n'est-ce pas encore un peu trop moderne dans la réalisation ?).



Mais il y a quand même un hic. Et un hic de taille.



Lors de la scène avec OSS 1001 près de l'eau, pourquoi diable vouloir à tout prix montrer le crocodile (à mon avis en images de synthèse) ? Une attaque hors champ aurait amplement suffi. On aurait gagné en efficacité. À moins que ce soit une démarche délibérée du réalisateur, pour se débarrasser violemment et frontalement de cet agent moderne, juste après qu'il ait eu le temps de déblatérer toutes les critiques dénonçant la morale d'OSS 117 (parallèle à faire avec le spectateur premier degré à l'ère des réseaux sociaux ?)


NB : L'emploi anachronique des images de synthèses était déjà un souci dans les deux premiers opus. Le plan sur les pyramides (pas un matte-painting mais ajoutées numériquement) et le fond du canal de Suez (squelettes, piscine sur fond vert) dans Le Caire : Nid d'espions. Et le plan de la Statue du Corcovado (à part le bout du bras) dans Rio ne répond plus.



Clins d'œil (un poil trop forcés) aux OSS 117 précédents ?



Raccrocher les wagons suite à une longue période séparant cet opus des deux premiers et de surcroît, suite au changement de réalisateur, c'est concevable. D'autant que si l'on compare cette démarche avec les films James Bond (encore), j'ai envie de dire pourquoi pas.


D'ailleurs, il est intéressant de constater l'utilisation du OSS 117 thème de Le Caire : nid d'espions dans le générique de fin.


Les quelques références en question :


OSS 1001 en fan admiratif d'OSS 117, lui demandant comment était René Coty. À la limite pourquoi pas.


Hubert et la Suze / James et sa Vodka-Martini. Oui. Le gag des échantillons gratuits dans la Renault Gordini a marché sur moi en tout cas. Peut être un peu dans la surenchère (le distributeur de cigarettes). Mais n'est-ce pas un hommage réussi aux James Bond des années 80 ?


Le "petit coup de polish". Trop gros comme référence. Si Hubert s'était contenté d'astiquer sa voiture sans énoncer la réplique à voix haute, le clin d'œil aurait été plus subtile (et moins forcé).



● Point final



Si ce nouvel opus ne plaira pas à tout le monde, comme dit précédemment, je pense qu'il faut laisser un peu le temps passer pour ensuite le revoir et mieux le cerner.


Si Nicolas Bedos n'imite pas Michel Hazanavicius, au moins il tente quelque chose de différent. On peut d'ailleurs se demander comment ce dernier aurait réalisé cet opus. Aurait-il été drastiquement différent ?


Difficile à dire.


Par contre, si suite il y a, Nicolas Bedos reviendra-t-il pour en constituer un diptyque ?
Michel Hazanavicius serait-il intéressé par un projet se situant logiquement à la fin des années 80 ?
Qui d'autre alors pour perpétuer la franchise ?


Il serait intéressant de voir OSS 1001 en antagoniste de OSS 117, dans un contexte de chute du mur de Berlin. Le tout avec le retour de Zéphyrine (ce qui permettrait de développer le personnage) et de Kasimir (à la manière d'un Jaws dans les James Bond).

CorentinG
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le 9 août 2021

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