Le pitch de ‘They Shoot Horses, Don’t They ?’ parait tiré d’un film de science fiction dystopique et extrême, et pourtant, les marathons de dance ont réellement existé. Mieux, ces évènements surréalistes ne sont pas qu’un prétexte à l’œuvre, puisque la cruauté de ces concours traduit efficacement la misère qui a touché les Etats-Unis pendant la Grande Dépression.

Du début à la fin, ‘They Shoot Horses, Don’t They ?’ met mal à l’aise. Il est difficile pour un homme du XXIème de seulement s’imaginer l’épreuve que devait représenter ces concours. Il s’agit d’une épreuve d’endurance physique (douleur musculaire et manque de sommeil), mais également psychologique, puisque les performances les plus impressionnantes dépassent 5000h de danse ininterrompue, soit plus de 200 jours de lutte. La détermination des participants, ou plutôt leur nécessité, de rester le plus longtemps en lice prend alors tout son sens, et exprime la misère totale qui frappait l’Amérique dans les années 1920. S’infliger pareil supplice, uniquement pour profiter de 3 repas par jour, est aussi éclairant sur la situation des chômeurs américains que les malheurs des Joad dans ’Les Raisins de la colère’ de John Steinbeck. Les scènes de derby suffisent à elle seule à illustrer l’horreur de la compétition, entre musique affolante, montage cardiaque et visages défigurés par l’effort.

Mais le concours revêt une dimension tout à fait cruelle dans son exhibition au public. Les riches y viennent encourager leurs favoris ou passer un bon moment, comme on se comporterait au cirque ou au zoo. Gig Young incarne d’ailleurs un personnage tout à fait intéressant dans sa relation avec les couples puisqu’il est autant dans le besoin qu’eux. Hypocrite, conseiller, confident, business man, mais surtout showrunner exceptionnel, il porte le film et la compétition sur ses épaules.

En outre, l’intrigue du film est de qualité, avec l’évolution des relations entre personnages, les péripéties intelligemment disséminées le long du récit et l’excellente conclusion dramatique. On ne regrettera en fait qu’un léger manque de rythme et un sentiment de répétition, que le réalisateur ne pouvait cependant que difficilement éviter. Les acteurs sont également très bons, avec notamment la superbe Jane Fonda dans un rôle insolite et réussi.

Une œuvre fascinante.
Kroakkroqgar
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 24 juil. 2014

Critique lue 384 fois

1 j'aime

Kroakkroqgar

Écrit par

Critique lue 384 fois

1

D'autres avis sur On achève bien les chevaux

On achève bien les chevaux
Sergent_Pepper
8

Danse avec les fous.

Quelle place accorder au divertissement en période de crise ? Dans quelle mesure le spectacle, censé panser les plaies ou offrir des chemins de traverse à la souffrance du réel, peut-il finir par...

le 7 févr. 2017

60 j'aime

On achève bien les chevaux
Kalian
10

"They shoot horses, don't they?"

Ou comment un marathon de danse dans la Californie de la grande dépression peut devenir un petit laboratoire de la condition humaine. Ou quand la magnificence de la réalisation, le talent...

le 29 sept. 2010

46 j'aime

On achève bien les chevaux
SanFelice
8

Trois petits tours, et puis...

Venez faire un tour de piste ! Vous tous, les affamés, les va-nus-pieds, les déchus de la grande Crise. En ce début d'années 30, venez traîner vos guêtres sur la poste. Venez tenter votre chance...

le 29 févr. 2016

37 j'aime

Du même critique

Brazil
Kroakkroqgar
5

Critique de Brazil par Kroakkroqgar

Si Brazil est le chef d'œuvre du réalisateur Terry Gilliam, il ne convaincra pas tout le monde en tant que chef d'œuvre tout court. Tout d'abord, le spectateur est jeté dans une société réglée par...

le 16 avr. 2013

40 j'aime

9

La La Land
Kroakkroqgar
4

Critique de La La Land par Kroakkroqgar

Difficile de dissocier 'La La Land' de sa couverture médiatique : plébiscité par les médias et triomphe absolu aux Golden Globes, la comédie musicale surfe sur la vague qu'elle a cherché à provoquer...

le 25 janv. 2017

37 j'aime

3

Vidéodrome
Kroakkroqgar
5

Critique de Vidéodrome par Kroakkroqgar

‘Videodrome’ traite du rapport des hommes à la télévision, comme ‘ExistenZ’ le fera pour les jeux-vidéos. Seulement, le scénario est tellement obscur que le propos en devient confus. Entre un...

le 2 août 2013

32 j'aime