Les hommes éveillés n'ont qu'un monde, mais les hommes endormis ont chacun leur monde.
Héraclite


Un réalisateur est un schizophrène qui nous invite dans son monde.


Avec brio, Tarantino nous fait la démonstration que le cinéma peut refaire le monde. Lynch, Nolan ou Méliès, entre autres, nous ont déjà fait cette démonstration. En fait, chaque réalisateur, qu'il en soit conscient ou non, nous le montre à chaque film.


Reste la technique. Elle est éblouissante. Chaque mouvement de caméra est un petit chef d'oeuvre. Etait-il nécessaire de survoler l'écran pour entrer dans le "drive-in" pour rejoindre le héros plutôt que de passer par l'entrée comme tout le monde? Sans doute pas, mais nous en prenons plein les mirettes.
Nous comprenons pourquoi, Tarantino, au fil de sa filmographie nous laissera un certain nombre de scènes cultes.


Chaque scène, ou presque est un clin d'oeil à l'histoire hollywoodienne. Chaque fois qu'un spectateur reconnait la référence, il se sent intelligent et complice: la garantie du succès.
Dans ce monde onirique, il existe une face lumineuse avec par exemple Sharon Tate, symbole d'innocence, parfait agneau sacrificiel; mais il y a aussi une face sombre avec ces acteurs, manipulés par les producteurs, agents et réalisateurs: "I don’t want them to see Jake Cahill. I want them to see Caleb! I hired you to be an actor, Rick, not a TV cowboy. You’re better than that."
On s'amuse aussi à déboulonner les statues: Steeve McQueen est une commère, Bruce Lee est un foutriquet vantard qui se ridiculise,...
Quentin s'amuse.


Mais la virtuosité technique et la multiplication des références suffisent-elles à faire un grand film?
J'avais été averti de la chute, mais cela n'a pas nui à l'intérêt, car ce n'est pas cette chute qui compte, mais la manière dont elle est amenée.
Tarantino ne refait pas l'histoire, comme tant d'autres avant lui il se glisse dans les interstices et nous propose une sorte de préquel à ce que nous connaissons tous.


Once Upon a Time... in Hollywood est un film flamboyant réalisé par le champion de l'esbroufe. J'ai passé un bon moment et je mets "8" aujourd'hui, mais je crains que je ne réduise cette note si je devais le revoir, comme pour chacun de ses films.


Ne soulevez pas ce voile de pudeur, vous pourriez découvrir des choses que vous n'aimeriez pas connaître.


En lisant les critiques, je vois que beaucoup pensent que Tarantino substitue son rêve à la réalité, "que l’on peut pleurer les morts en leur laissant la vie", qu'il offre une seconde vie à Sharon Tate.
J'ai une autre interprétation des intentions de Tarantino, bien moins ambitieuse, beaucoup plus conforme à tout ce à quoi Hollywood nous a habitué. Je crois que Tarantino a fait ce que font des centaines de scénaristes travaillant en batterie: il a écrit un préquel.


Souvenez-vous, au ranch Spoon, on nous présente un certain nombre de membres de la "famille" Manson. Tous les noms qu'on nous donne sont ceux, tristement célèbres des accusés au procès de la famille: Squeaky, Tex, ,Gypsie, Snake, Clem Lorenz, Blue, Katie, Sadie, Lulu... Tous, sauf trois! Trois personnages qui sortent de l'imagination de l'ami Quentin. Les trois qui débarqueront plus tard chez Rick Dalton.
Tarantino n'a pas remplacé le massacre de la villa Polanski par une autre affaire. L'affaire n'étant pas l'affaire, l'affaire aura-t-elle lieu? Il y a au minimum un doute.
Charles Manson et tous les membres impliqués dans le massacre de Sharon Tate et ses amis n'ont pas encore donné et restent disponibles... et maintenant, ils ont un mobile!


Vous êtes déçus? Moi aussi.
C'est normal. Tarantino n'a pas osé changer l'histoire.


Vous n'êtes plus dans le rêve d'un autre. On ne vous apprend plus à tuer avec sadisme. Vous êtes maintenant dans le monde commun.
Faites attention en traversant la rue, la réalité pourrait vous arriver en pleine figure.

-Marc-
8
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le 19 août 2019

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-Marc-

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