Modern vampires of the city.
Jarmusch revient sur nos écrans quelques années après s’être fourvoyé dans les limites du contrôle. Or, c’est son cinéma qui ici, se heurte à ses propres limites. Tiens, qui pourrait interpréter deux vampires snobs et neurasthéniques qui, comme nous l’indique le synopsis, baladent leur spleen sans idéal « dans les villes romantiques et désolées que sont Détroit et Tanger » ? Tom Hiddleston, qui va nous faire la gueule en robe de chambre 0ld $ch00l en nous médisant nous autres pauvres humains zombifiés. Et bien sûr Tilda Swinton, papesse ès cinéma d’auteur – que j’adore ordinairement – et qui fait ici une suceuse de sang assez irritante (et ses « baby » et autres minauderies crépusculaires n’arrangent rien).
Ca commence par sur une intro überclasse à base de cosmos-vinyle tournoyant et d’une version ralentie de « Funnel of love », complètement hypnotique. Et j’ai cru, j’ai cru que j’allais retrouver la superbe du Jarmusch de, par exemple, Stranger than Paradise. Celui qui savait magnifier la langueur et l’errance. Or, du temps s’est écoulé et j’ai du me résoudre à l’idée que ces « seuls amoureux restés en vie » ne brilleront jamais d’aucun éclat. Alors oui, la BO est souvent prestigieuse et vous fera resplendir parmi vos amis amateurs de Scotch aux cheveux longs (Black Rebel Motorcycle Club, c’était bien vu). Oui, c’est beau, c’est très beau et – mieux encore – l’ambiance est très réussie, et Jim a fait attention à tous les détails. Mais ce qu’il a oublié dans cette reconstitution soigneuse de la vie de vampires rock et modernes, c’est que cet écrin nocturne, aussi classieux soit-il, manque férocement d’âme. Ils se morfondent : on se morfond. « C’était mieux avant », OK, c’est galère de choper du sang au XXIème siècle, OK, mais les flâneries de notre orgueilleux duo se transforment rapidement en atmosphère profondément narcotique. Et, appelons un chat un chat (et là j’aurais pu placer une référence à Nymphomaniac mais nononon j’arrête d’en parler…) : on se fait chier. Clairement.
En tout cas moi. Mais j’arrive à saisir ce qui a pu plaire à d’autres, et ce ne sera pas le genre de film sur lequel j’irais cracher ma haine avec fougue. Car, aussi vain (voilà, c’est le mot) soit-il, il reste traversé de bonnes idées, hélas souvent mal exploitées. Néanmoins, vers la moitié de ce charivari vespéral débarque soudainement Mia Wasikowska, qui dynamise nettement le film et même ses petits camarades poseurs. Le souci, c’est que malgré que son arrivée réussisse même à provoquer de l’humour (la scène au bar quand ils mettent tous leurs lunettes de soleil, ça c’était fun), la donzelle se fait rapidement virer de la baraque du vampire vaniteux (elle doit avoir quelque chose comme 15 minutes d’image, ZÜPER !) et le film replonge illico presto dans l’ennui et la présomption.
Trop long, trop futile, il pourra néanmoins – si vous accrochez au (simili) délire – vous fournir un stock de jolies photos de couverture pour Facebook pour les 6 prochains mois. Et ça, ce n’est pas négligeable.