Un sens à creuser pour apprécier ce film !

Only Lovers Left Alive - littéralement: "Les derniers amants encore vivants" mais je préfère "Seuls ceux qui s'aiment survivent" - n'est que symbolique, il regorge de sens, et ce même esthétiquement parlant. Au delà des péripéties qu'offre le film, ce dernier va beaucoup plus loin: il suit la vie - ou plutôt la subsistance et l'errance - menacée par l'évolution humaine, de deux vampires aux noms révélateurs. Il retrace ainsi la ronde infinie qu'est la vie (c'est beau, j'en ai la larmichette à l’œil), sublimée ici par l'éternité représentée par les deux vampires Adam et Eve qui sont à l'origine de l'espèce humaine et de tous ses vices (je vais éclaicir votre lanterne dans la suite de ma critique, don't worry).

Partons donc à la recherche du sens de ce film, qui peut diverger bien sûr selon les personnes, mais qui est nécessaire pour pouvoir "rentrer" dans le film.
Le Yin et le Yang, ce petit symbole rond moitié noir moitié blanc, sont d'après moi la clé de Only Lovers Left Alive, symbolisés par la complémentarité entre les vampires Adam et Eve. Cette complémentarité est d'abord physique, avec une opposition au niveau vestimentaire: Adam ne porte que du noir, des cheveux aux chaussures, tandis qu'Eve ne porte que du beige (enfin du blanc quoi). De plus, quand Adam est suicidaire, reclus et pessimiste, Eve est plutôt optimiste et pleine de vie, elle aime prendre l'air. S'ajoute à cela qu'elle se nourrie de livres (et de sang, bien sûr) et Adam de musique; or, ces deux activités sont aussi complémentaires dans le grand cadre qu'est celui de la culture. La complémentarité entre ces deux personnages se retrouve aussi dans le "Lovers" du titre du film, qui veut souligner le fait que seuls ceux qui aiment et sont aimés en retour peuvent survivre: Adam n'est rien sans Eve et Eve n'est rien sans Adam; ils ne sont qu'un. Le film s'ouvre d'ailleurs sur les vies séparées des deux personnages, qui finissent par se retrouver (et se compléter) pour vivre avec un grand V et aimer avec un grand A. Toute cette thématique de la complémentarité est parfaitement illustrée et développée dans le film à travers la théorie de "l'action surnaturelle à distance" d'Einstein dont ne cessent de parler les personnages dans le film: je vous laisse le découvrir par vous-mêmes.
Il faut aussi être attentif à toute la poésie qui se dégage de ce film: je parlais de ronde au départ de ma critique car c'est exactement ce que dépeint Only Lovers Left Alive. Les plans de caméra circulaires le montrent et nous donnent presque le tournis dès le début du film. Tout n'est que cycle, ronde et éternel recommencement - l'amour, la musique, la lecture, la nourriture - puisque ce qui arrive aux personnages, à savoir l'envie de mourir et l'impossibilité de se nourrir, ne leur arrive pas pour la première fois. De plus, Adam et Eve sont en quelque sorte les créateurs de l'homme tel que nous le connaissons: mortel et vicieux. Ainsi, en endossant le rôle de vampires, ils se séparent de l'espèce qu'ils ont engendrée pour s'élever au rang d'immortels et montrer que l'homme se crée lui-même, hors de la responsabilité d'Adam et Eve qui en sont différents.
Mais paradoxalement, en voulant reproduire un mouvement circulaire, Only Lovers Left Alive devient finalement un râle, et c'est là son but je pense. Les personnages s'essoufflent tout au long du film, tout comme l'espèce humaine. En évoluant, les hommes s'autodétruisent et affectent leur propre sang; denrée nécessaire aux vampires (j'espère ne rien vous apprendre, hum hum). Ainsi, même des êtres immortels finissent par être menacés. C'est pour cela qu'ils subsistent plus qu'ils ne vivent: ils survivent, tentent de continuer de rester vivants tout en étant déjà morts. La "musique funèbre" dont est parsemé le film renforce cette impression de râle.
(Ça fait beaucoup de philosophie tout ça ! )

Cependant, quelques points négatifs viennent tout de même ternir le tableau: eh oui, rien n'est parfait, sinon j'aurais mis 10... Ce qui m'a gênée dans ce film, c'est sa lenteur, sa langueur, et sa pesanteur parfois excessive: c'est évidemment l'atmosphère qui est visée, une atmosphère lourde et traînante, mais elle est par moments un peu trop présente à mon goût. De plus, l'histoire met beaucoup de temps à se mettre en route, ce qui peut faire perdre patience au spectateur.
Last but not least, un autre point m'a dérangée: les acteurs. Je ne remets absolument pas en cause leur jeu (d'acteur) qui est relativement bien, mais "l'âge" de l'actrice principale (Tilda Swinton, celle qui joue Eve) ne correspond pas au rôle. Adam paraît beaucoup plus jeune qu'elle: elle pourrait être sa mère ! On s'y habitue au fur et à mesure du film donc ce n'est pas dramatique mais ça fait bizarre. Elle a toutefois un physique adéquat à l'ambiance du film: un teint très pâle, des cheveux très blonds, presque blancs, elle est plutôt mince et arbore une expression énigmatique.


Ce film doit finalement être vu et pensé en même temps. Je vous le conseille pour son ambiance très flottante et langoureuse et son arrière plan, ses "coulisses" (son sens). En plus, vous comprendrez sûrement mieux ma critique une fois que vous aurez vu le film !

Ciao !
Rosie
8
Écrit par

Créée

le 7 juil. 2014

Critique lue 590 fois

Rosie

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