Il y a des films comme ça, on y va sans savoir de quoi ils parlent, parce que quelqu'un d'autre est intéressé, que la presse a adoré, qu'on nous en a dit du bien, et c'est souvent comme ça qu'on a les meilleurs surprises. En effet quoi de mieux que de ne rien attendre d'un film, d'être libéré des attentes que génère un synopsis vous racontant la moitié du film si ce n'est les trois quarts. Vous l'aurez compris, je suis allé voir ce film sans avoir vu de bande annonce, lu de résumé ou de critique, totalement neutre et - soyons fous, je spoile dès l'intro - ça en valait la peine !


Ce n'est d'ailleurs pas l'introduction qui va nous aider à comprendre de quoi il retourne, mais les clés du films, les thèmes récurrents sont donnés à travers un superbe montage de vidéos de la ville. Une voix off par-dessus, et le tout évoque Chris Marker, notamment par un certain rapprochement des thèmes: les souvenirs, l'oubli, la famille, les amis, le regret...

Des films là-dessus il y en a beaucoup, peut-être même trop, surtout lorsque s'ajoute à tout cela l'addiction, ici à la drogue. J'ai trouvé très intéressant d'apprendre après avoir vu le film qu'il était une nouvelle adaptation (assez libre) d'un roman français dont le sujet était l'alcoolisme, intitulé Le feu follet. Il avait été adapté à l'écran par Louis Malle en 1963, et à une époque où l'on se plaint souvent de remakes sans inspiration, je trouve plaisant de voir que certains prennent des risques, puisqu'ici le récit est modernisé et se passe, forcément, en Norvège.

Comme je l'ai plus ou moins introduit, le film traite du cas d'un ancien drogué, Anders, qui vient de finir sa cure de désintoxication et retourne en ville le temps d'une journée. La force du film, c'est justement cette unité de temps, ce tourbillon de vie dans lequel nous sommes emportés avec le personnage.

Après avoir passé plusieurs années en cure, son passé lui revient en pleine figure au fur et à mesure qu'il rencontre ses amis et sa famille. A l'évocation des bons moments passés ensemble s'oppose les erreurs qu'il avait faites à l'époque, ses désillusions, ses rêves oubliés. De même on découvre rapidement que ceux qui le rabaisse en étalant leurs réussites ont souvent tout autant de problèmes, et qu'ils ne mènent une vie parfaite qu'en façade.


Anders provoque, énerve, dérange, ne reste pour beaucoup que ce bon vieux pote de défonce de leurs années étudiantes. Lui tente de sortir de ce carcan, veut montrer qu'il a changé, mais tout ne se passe pas comme il le souhaite. Il y a quelque chose d'une sortie de prison dans cette difficulté à revenir à la vie "normale", un peu comme De Palma le montrait si bien dans L'impasse.

Il fallait un acteur solide pour incarner Anders, et Anders Danielsen Lie surprend dans ce rôle. Il surprend d'autant plus qu'au civil il n'est pas acteur mais médecin, et ami du réalisateur. Pourtant, quel talent il montre dans la peau de ce personnage complexe, torturé, qui ne sait plus à qui se fier alors que sa vie devrait s'arranger, une fois sorti de cure. Le médecin acteur porte littéralement le film sur ses épaules, avec son jeu très peu expressif, introverti, oscillant toujours entre souffrance et sourire. Les autres acteurs ne déméritent pas, mention à celui qui joue son meilleur ami, les deux réunis sont toujours bluffants de naturel.

Il ne faudrait pas non plus oublier le réalisateur dans l'histoire, pour un deuxième film il montre une maîtrise assez incroyable de la mise en scène. Alternant entre caméra portée nerveuse et longs plans fixes de toute beauté, il parvient à coller au personnage de façon quasi documentaire sans abandonner la forme, et c'est tout simplement un régal. Le film est truffé de superbes idées, de séquences marquantes par simplicité d'un instant, je pense à une scène avec un extincteur aussi bien pensée sur le fond que sur la forme (on est loin d'Irréversible je précise), ou encore celle où Anders écoute différentes discussions dans un bar.


C'est tout juste si je chipoterai sur le fait que j'ai trouvé le film un peu trop long, certaines séquences auraient gagnées à être raccourcies, mais c'est aisément pardonnable. J'oubliais, les musiques sont magnifiques également, très beau mélange de morceau existants et de compositions, qui portent le film tout en mélancolie. Ne vous fiez pas à l'affiche, passablement mensongère, qui pourrait vendre la première comédie romantique venue, ce film est un vrai bol d'air frais, à ne surtout pas rater.
blazcowicz
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le 27 août 2012

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le 27 août 2012

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blazcowicz

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