Rose Mayer n'en peut plus de son mari violent et alcoolique. Plus de vingt ans qu'elle endure ça, dans la campagne wallonne : humiliée, essuyant les coups quotidiennement, travaillant sans relâche à la ferme, isolée dans son martyr.
Pour couronner le tout, son mari a écrasé une jeune fille avec la voiture familiale, et ça Rose, elle ne s'en remet pas. Alors, quand il revient de six mois d’emprisonnement et que les coups pleuvent à nouveau, elle fomente son coup, elle craque, et un jour...
C'est donc un début de film fracassant, c'est le moins que l'on puisse dire, que j'ai particulièrement aimé.


Yolande Moreau est au sommet dans le rôle de cette femme battue qui assassine son mari et s'en va retrouver son fils pour vivre une nouvelle vie. C'est beau, c'est fort, porté par cette grande actrice qui a une présence hors du commun.


Martin Provost adapte un roman irlandais de Keith Ridgway, paru en 2001, intitulé "Mauvaise pente", mais on ne peut s'empêcher de penser à l'affaire Jacqueline Sauvage.


Comment Rose va t'elle retrouver sa liberté et recommencer une nouvelle vie, sans empiéter sur celle de son fils, qui, dès l'âge de seize ans, a coupé les ponts avec sa famille, ne supportant plus le climat malsain ? On la suit pas à pas dans son nouveau quotidien au sein de la grande ville belge, elle qui n'avait connu que le vert pâturage. Elle croit qu'elle va pouvoir enfin rebondir, profiter de la vie, oublier son passé, mais hélas, sa culpabilité va la rattraper.


Ignorant le drame, son fils l'héberge chez elle, tandis qu'un inspecteur de police soupçonneux ainsi qu'un ami de son fils, journaliste opportuniste, poussent Rose dans ses retranchements.
J'ai trouvé justement que l'une des scènes les plus belles, c'est celle de la confrontation entre Rose et cet ami journaliste. Là, sans trop savoir pourquoi, peut-être parce qu'elle se découvre plus faible qu'elle ne l'avait cru, elle se livre soudain à cet inconnu. Il la piège, bien sûr, mais c'est presque un soulagement, pour elle, d'avoir été ainsi trahie...
Elle fuira de nouveau, non sans qu'une ultime confrontation avec son fils ne dévoile un obscur secret familial et ne lui porte le coup de grâce.
Malgré tout, la fin la montre lumineuse, renaissante, prête à, affronter la vie.


Martin Provost assimile Où va la nuit à une tragédie antique : "Comme dans une pièce de Sophocle, chaque personnage, par ses actes, entraîne malgré lui sa chute. Nous avions ici un couple monstrueux à la dimension tragique, un homme qui tue une fille et qui s’en tire à bon compte, mais se détruit par la boisson, une femme qui décide de se faire justice (comme s’il s’agissait pour elle de se substituer à la justice divine) et tue à son tour, pour elle, pour la jeune fille assassinée, mais aussi pour libérer son fils. Ce même fils qu’elle croit pouvoir retrouver comme avant, et qui va se retourner contre elle parce que c’est lui qui aurait dû tuer son père et qu’il a hésité à le faire pendant des années", explique-t-il.


Comme la deuxième partie patine un peu et que les personnages secondaires sont un peu sous-traités, je n'ai attribué qu'une note de 7.5/10, mais cela reste malgré tout une bonne note dans mon échelle de valeurs.
On regrette notamment que le personnage du fils ne soit pas plus creusé. Il tergiverse. On a du mal à le suivre, mais cela s’explique aussi par les contradictions, y compris inconscientes qui l'assaillent (rapport à la mère, au père, désir de vengeance non satisfait, remords, culpabilité, incompréhension etc).


Comme personnage secondaire j'ai cependant beaucoup aimé celui de la logeuse, Mme Talbot, interprétée par la géniale Edith Scob. Celle-ci, touchée par l'histoire de Rose, va l'aider à s'enfuir, dans un geste de solidarité féminine, qui fait penser un peu à Thelma et Louise.


Cela reste malgré les quelques maladresse citées plus haut, un bon film, à ne pas rater, sur un thème largement sous-traité sur la toile : les violences domestiques faites aux femmes.

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le 11 sept. 2017

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