Ouija : Origin of Evil (Mike Flanagan, U.S.A, 2016)

Troisième production estampillée Flanagan pour l’année 2016, ‘’Ouija : Origin of Evil’’ occupe une place un peu particulière au cœur de la filmographie du réalisateur. En effet, il fait partie d’une tentative de lancer une franchise, puisqu’il est le prequel de fabuleux ‘’Ouija’’ en 2014. Une sombre bouse qui fût un échec à tous les niveaux, critique, public et artistique, rien n’allait.
La démarche est un peu étrange, et c’est à se demander si Mike Flanagan et Jeff Howard n’ont pas débarqués chez Jason Blum et Michael Bay avec un scénario original, que les deux producteurs avisés ont décidés de faire entrer dans la franchise. Car au final le film est assez soft, et ressemble plus à un thriller d’épouvante bien construit qu’à un véritable film d’horreur d’exploitation.
L’histoire est celle d’une mère qui élève seule ses deux filles, suite au décès du père. Elle utilise ses deux progénitures lors de séances de spiritisme pipées, au cours desquelles elle arnaque des personnes en plein deuil. Oui, les thématiques chères à Mike Flanagan inondent le film, puisqu’elles en sont le carburant principal. Puis un jour la mère ramène un plateau de Ouija à la maison, dans l’idée d’améliorer son arnaque, sauf que ça part en cacahuète.
Rapidement le métrage bifurque en une variation du film de fantôme, avec des éléments du film de possession. Et tout ça permet à Mike Flanagan de s’amuser à organiser une mise en scène toujours bien sentie, autour de cette famille touchée par la perte d’un proche. Plus enclin à croire aux esprits, en laissant toute incrédulité de côté. Ils veulent croire, même si c’est faux, même s’ils se trompent. Ils ont une nécessité de réconfort, pour les aider à apaiser leur chagrin, et continuer à avancer malgré la disparition d’un pilier de leur existence.
Sur cette notion le film se fait plaisir, puisque tout le récit prend sa source dans le deuil familial, illustrant la manière avec laquelle les protagonistes apprennent à le gérer. Sauf que ce n’est pas un drame, mais bien un film d’épouvante. Par moments, à l’aide de quelques fulgurances bien senties, il est rappelé à l’audience ce qu’elle est en train de regarde.
Par la dissémination de petits détails un petit peu partout à l’écran, dans les arrières plans, par le biais d’un léger travelling qui laisse apparaître une ombre humanoïde dans un coin de porte, ou encore un son étrange qui s’échappe d’une pièce, et par l’utilisation virtuose de l’éclairage, que Flanagan sait toujours utiliser à bon escient.
À cela, et il assez singulier pour le noter, le métrage se fend d’un petit message anticlérical des plus bienvenu, par l’entremise d’un prêtre interprété par Henry Thomas (Elliott dans E.T, qui à partir de là revient dans tous les films de Mike Flanagan. Et quand des comédien/nes reviennent ainsi, ça en dit souvent long sur la personnalité d’un metteur en scène). Bref, une relation se créé entre la mère et le prêtre, qui est à la tête de l’école catholique où sont scolarisées ses deux filles. Flanagan étant d’extraction irlandaise, il a été élevé dans le culte Catholique, qui aux États-Unis est minoritaire (mais qui a quand même eux le droit à son lot d’affaires de pédophilie). Putain je m’égare complétement…
Donc, le prête a perdu sa femme, raison pour laquelle il s’est tourné vers les ordres. Sauf qu’il n’est pas insensible aux charmes de la mère, elle-même veuve. Le personnage prend de l’intérêt à mesure que le récit se débloque, puisqu’il est au départ censé être la garantie ‘’crédibilité’’. Or c’est lui qui comprend qu’un truc louche se trame dans la maison.
Au départ ‘’Ouija : Origin of Evil’’ devait être une œuvre bien plus ambitieuse. Le premier cut durait 2h10, alors qu’après coupe le film ne fait plus que 1h40. Toute une sous intrigue, concernant un ex-docteur nazis arrivé aux U.S.A, s’adonnant à des expériences (en vrai des meurtres) dans un sous-sol, est passée à la trappe. C’est bien dommage car ça aurait donné une autre dimension à l’ensemble, qui bien que très correct, a un petit goût d’inachevé.
À trop vouloir faire rentrer le film dans une sorte de mythologie ‘’Ouija’’ (qui pour rappel est un jeu de plateau Hasbro… Et n’a rien de surnaturel…), toute la fin est complétement rushée. N’ayant pas vu l’original, je suis allé lire des trucs, et en effet, le final sert de connexion avec le film de 2014. D’une coup le métrage perd toute sa personnalité.
Ce qui est d’autant plus dommageable car Flanagan avait fait l’effort de donner l’illusion que son film datait des années 1960, décennie à laquelle se déroule l’action. Avec un sens du détail qui lui fît ajouter des cigarette-burns en haut de l’écran. Un capteur pour les projectionnistes, leur indiquant le changement de bobine. Alors que le film est filmé en numérique. (Une fois que vous vous en êtes aperçu, vous les captez toutes)
Il y a dans ‘’Ouija : Origin of Evil’’ une vraie démarche artistique, plaisante et honnête, malgré sa nature d’exploitation, il sort un petit peu du lot, et peut rejoindre sans rougir le rang d’œuvres comme ‘’The Conjuring’’ ou ‘’Insidious’’. Mètres-étalons du cinéma d’épouvante populaire des années 2010, et à juste titre.
Finalement, le principal problème dont souffre le métrage est l’assimilation forcée à une pseudo-franchise, qui n’est pas à la hauteur du talent de Mike Flanagan, qui remplit naturellement l’exercice haut la main. Proposant absolument tout ce qui est nécessaire à un bon film d’angoisse : une mise en scène posé (permet de bousculer le rythme lorsque la nécessité de faire peur se fait), une narration lente (met en place l’histoire et l’empathie envers les protagonistes), et une pré-séquence finale inattendue, surprenante et un peu dérangeante.
C’est donc est à la fois une bonne surprise, et un constat mitigé, car le film aurait gagné à sortir comme une œuvre indépendante de toute franchise. Et paradoxalement possède tout ce qu’il faut pour lancer une franchise. Avec l’univers riche proposé par Flanagan et Howard, au vu du nombre de Ouija vendu, et le nombre de maison hantée, les possibilités de récit sont presque infinies.
Mais non, nous sommes à Hollywood, et il faut proposer aux spectateurs inlassablement les mêmes recettes, où leur faire croire que ce sont les mêmes recettes, à l’aide d’une utilisation abusive d’un titre.
‘’Ouija ?? c’était de la merde nan ?’’
‘’Ouija : Origin of Evil ? hmmm ça a l’air bien, je ne l’ai jamais vu !’’
Ça ressemble à une arnaque, ça a les airs d’une arnaque, les producteurs l’ont même peut-être vu comme tel. Sauf qu’elle a été confiée à un type au talent rare à Hollywood, qui sait retranscrire l’épouvante comme personne, avec un style bien à lui. Donc n’ayez crainte, pourquoi pas tenter ce ‘’Ouija : Origin of Evil’’. Qui malgré ses origines nauséabondes, est du tout bon.


-Stork._

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le 16 févr. 2020

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