Quand on parle de Brian de Palma, on pense souvent immédiatement à Scarface. On peut aussi se souvenir de L’Impasse, de Mission : Impossible, Carrie, Blow Out ou encore Phantom of the Paradise. Aussi longue que diversifiée, la carrière du cinéaste est d’une richesse rare, et il n’est pas étonnant, parfois, de faire encore face à quelques surprises. Outrages, nommé dans son titre original Casualties of War, est de celles-ci. C’est un film généralement peu connu, une curiosité, car c’est l’occasion de découvrir Brian de Palma dans le registre du film de guerre. Et, finalement, quel est le résultat ?


Brian de Palma a bien connu la guerre du Viêt Nam, il a grandi et mûri avec elle. Ses implications, sa cruauté et sa violence ont été une vaste source d’indignation pour le jeune réalisateur, qui tournait déjà en ridicule l’enrôlement dans l’armée avec Greetings en 1968. Ce n’est que presque quinze ans après la guerre qu’il revient avec Outrages, qui succède alors à de nombreux films sur le conflit, comme Apocalypse Now et Voyage au bout de l’enfer, deux films hautement estimés. Naturellement, même si Brian de Palma est derrière la caméra, on est en droit de s’interroger sur son apport vis-à-vis des discours déjà proposés sur la guerre du Viêt Nam. Ici, le cinéaste décide de se pencher sur un fait divers rapporté par le New Yorker afin d’exprimer toute son indignation face à une guerre qu’il juge inhumaine, comme toutes les guerres, mais qu’il considère surtout comme criminelle.


Le schéma du film est relativement classique, en choisissant comme personnage principal un bleu qui découvre le front, et qui va être le support idéal pour imprimer la violence, les blessures et les insultes de la guerre. Pas de camaraderie, pas de noblesse, la guerre est une véritable fosse aux serpents qui condamne tous deux qui y ont chuté. Avec Outrages, Brian de Palma ne cherche pas à révolutionner le film de guerre. Par rapport à certains autres de ses films, de Palma ne s’attarde pas spécialement sur la forme, et il le fait surtout pour davantage creuser le fond. En effet, ce film est, pour le réalisateur, surtout un appel aux prises de conscience. C’est la volonté, par le medium cinématographique, de relater cet événement pour dénoncer la haine de l’autre et les crimes de guerre.


L’armée, institution œuvrant pour la défense de la patrie et des citoyens, régie par des codes d’honneur, est ici représentée par des hommes qui sont devenus sans foi ni loi, ramenés à l’état sauvage, tuant et violant pour le plaisir. La hiérarchie est écrasante, il n’y a pas de place pour les justes si les injustes ont le pouvoir, faisant de loin écho aux Sentiers de la Gloire de Kubrick. La naïveté du héros est comparable à la nôtre, notre regard étranger et extérieur ne nous ayant pas préparé à de telles découvertes macabres. Outrages a clairement pour but de choquer, et c’est ce qui vaudra, par ailleurs, quelques démêlés entre Brian de Palma et ses producteurs, rebutés par le ton résolument pessimiste du film.


Outrages est donc le grand film de guerre de Brian de Palma, que le cinéaste imprègne de son engagement, sans filtre et avec force. L’honneur disparaît ici au profit de l’horreur dans un film qui, à défaut d’être l’un de ses plus grands, est certainement l’un de ses plus personnels. On peut lui reprocher une dramatisation parfois trop insistante, qui ne parvient pas à le hisser au rang de film de guerre majeur. Toutefois, la démarche du film et l’implication de Brian de Palma dans son écriture et sa réalisation le rendent intéressant à voir, et il est toujours bon de sans cesse apprendre de nos erreurs passées pour ne pas les reproduire.

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le 6 juin 2018

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