A lire sur Neocritics


Joe Wright, avec son film Hanna il y a quatre ans, semblait clairement avoir une approche de l’enfance que d’autres n’avaient pas. Son mélange de film d’espionnage et de parcours initiatique, au fond présenté comme une sorte de conte pour enfants, réussissait parfaitement ce qu’il entreprenait, d’autant qu’il avait aussi cette qualité d’être parfaitement réalisé. Aujourd’hui c’est avec Pan qu’il revient, actuellement en train de se ratatiner au box-office mondial et dans la critique, semblant insister de manière assez stérile sur le fait que celui-ci n’est qu’une accumulation de clichés et d’effets spéciaux hideux. Et si il y a de fait, d’énormes défauts dans ce film, que la critique se complaise dans ces simples détails (quitte à dire n’importe quoi) prétextant le bon goût supposé d’une œuvre, est signe d’un sacré manque d’idées.


Il y a d’ailleurs une certaine ironie dans cet état de fait, car Pan essaie justement – l’idée est martelée dans le film – de raviver notre imagination par le biais d’un personnage justement enfermé dans l’enfance. Si le film n’est clairement pas aussi subtil que ne l’est A la poursuite de Demain, qui préférait l’approche méta-textuelle, le film de Joe Wright à le mérite de tenter le coup, mêlant dans les quarante premières minutes le film noir au fantastique, variant les jeux d’échelles entre la grandiloquence de l’action et la petitesse de l’univers face à notre imagination. En cela, cette magistrale introduction enivre le spectateur, l’enrobe d’un carcan doux rêveur, entre violence du sujet (la mort et la guerre omniprésentes) et émerveillement de l’imaginaire. Jusqu’à oser y mêler le moderne, quand Joe Wright modifie le propos d’une chanson comme Smells Like Teen Spirit pour représenter le joug de l’oppresseur plutôt que le cri de libération qu’il est censé représenter. De la sorte, cette obstination pour le mélange des genres, des personnages et des univers dénote d’une vraie volonté du réalisateur de raviver l’imaginaire du spectateur, ou tout simplement de représenter le possible imbroglio culturel de l’enfant qui regarde son film. Cette modernisation que beaucoup décrient, c’est peut-être bien le cœur du film, qui serait en somme simplement incompatible avec leur vision du personnage.


Le problème étant que Pan, sur ses deux heures, ne parvient pas à réitérer cet émerveillement du début, notamment à cause d’une écriture particulièrement hasardeuse qui laisse imaginer une sorte de rafistolage essayant de justifier ce récit des « origines ». Les personnages ne fonctionnent pas, notamment Lili La Tigresse et Crochet, quand le sidekick humoristique est simplement horripilant. Ce qui engendre une gigantesque baisse de régime durant laquelle le film se laisse aller au rythme imposé par les studios, jusqu’à même suivre l’évolution imposée du héros qui se découvrira élu de l’humanité. Une bévue bien regrettable qui engendre un film vraiment bancal alors qu’il aurait pu se hisser parmi les blockbusters les plus inventifs de cette année. Dirons-nous même qu’il sera à classer parmi ses projets malades comme Jupiter : Le Destin de l’Univers, lui aussi décrié pour les mauvaises raisons.

Florian_Bodin
4
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Année 2015 - Cinéma et 2015 - Ennui Cinématographique

Créée

le 24 oct. 2015

Critique lue 699 fois

Florian Bodin

Écrit par

Critique lue 699 fois

D'autres avis sur Pan

Pan
Fritz_the_Cat
2

Orgueil et préjugés

L'exemple du film qu'on était parti pour adorer. L'affiche hideuse ne nous aura même pas fait fuir, celle de Tomorrowland s'étant montrée encore plus laide cette année, au détriment de ce qui reste...

le 23 oct. 2015

35 j'aime

35

Pan
Jambalaya
5

Magie magie, et vos idées n'ont pas de génie...

Il ne suffit pas d’avoir les accessoires pour faire de la magie, il faut aussi la formule et une certaine adresse. Si Joe Wright s’est laissé submerger par les effets spéciaux dans son Pan, c’est...

le 22 oct. 2015

25 j'aime

Pan
Jack_P_
9

Un charme inattendu

Dés maintenant, suivez les aventures de Jack P., défenseur des causes perdues. Plus sérieusement, je sais que parfois les notes que je met déroutent. Je sais que, parfois, on trouve que je juge un...

le 23 oct. 2015

21 j'aime

10

Du même critique

A Ghost Story
Florian_Bodin
10

Laisser sa trace

A lire sur Cinématraque Nous avons tous perdu l’être aimé, dans la mort ou dans la rupture. Quand un couple se divise, ce n’est pas simplement une relation qui s’arrête, mais tout ce qu’elle a...

le 4 sept. 2017

22 j'aime

6

Monuments Men
Florian_Bodin
4

Art mineur

Depuis plus de cinquante ans, les films sur la guerre sont présents dans l'histoire du cinéma. Justement parce qu'ils servent, en général, à juger, critiquer, remettre dans un contexte ou même...

le 12 mars 2014

22 j'aime

Vanilla Sky
Florian_Bodin
9

The little things

Ce n’est pas si souvent qu’un remake soit pertinent et intelligent. Et qu’il soit en plus si bien pensé qu’il arrive à rester encore dans un coin de notre esprit quelques jours après le visionnage...

le 29 janv. 2014

19 j'aime

1