S’inspirant du duo comique du cirque traditionnel composé du clown blanc et de l’auguste, Dino Risi reprend comme dans Le Fanfaron - avec toujours cette capacité incroyable à réunir les contraires et à trouver une symbiose - la paire formée par le jeune garçon sérieux, timide et innocent et l’homme d’âge mûr et outrancier incarné par le toujours excellent Vittorio Gassman. Et comme dans Le Fanfaron, la tonalité se veut d’abord et avant tout comique, la dimension dramatique dissimulée en arrière-plan se retrouvant balayée d’un revers de manche par le fantasque Gassman (voir le pas assez connu L'homme aux cent visages du même cinéaste), à la gouaille et à la pulsion de vie inextinguibles.


Être aveugle et manchot, voilà bien une tragédie personnelle à laquelle personne ne voudrait être confrontée. Néanmoins, Fausto ferme les yeux sur ce coup du sort et choisit de croquer la vie à pleines dents : whisky 15 ans d’âge, voyages, filles de joie, repas arrosés, virées nocturnes : rien n’arrête sa frénésie, venant supplanter une blessure autant physique que morale. Son handicap visuel, il le compense par son verbe, sa présence, son aura, ses mains baladeuses et son odorat bien sûr (d’où le titre, profumo di donna, qui aurait pu rimer avec les paroles de Mannarino « Quanto è bono l'odore della gonna »). Sa douleur intérieure, il la noie dans l’alcool et la luxure.


Néanmoins, au long de ce voyage aux airs de road movie (dans la première partie), Fausto, sous les apparences trompeuses d’une gaieté infaillible, ourdit un plan tragique, comme le signale la musique aigre-douce de Trovajoli, non pas par faiblesse mais par honneur, et se refuse même à la bellissima Agostina Belli, pour qui il ne veut pas être un fardeau. Risi offre ici à l’un de ses acteurs fétiches le prix d’interprétation à Cannes en lui permettant d’élargir son champ d’action de la représentation, avec cet rôle d’homme à la masculinité affirmée et ouvertement macho, tenant en fait autant du militaire rustre que du gentilhomme médiéval de l’univers courtois, avec une force apparemment inébranlable cachant des failles profondes.


Un film remarquablement construit, sachant allier les antagonismes et trouver une unité là où on ne l’attend pas.

Marlon_B
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le 21 oct. 2021

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