Pas un bruit
5.9
Pas un bruit

Film de Mike Flanagan (2016)

Immersion atypique sur des sentiers rebattus + tueur terriblement fade.

Lancé sur Netflix deux semaines après sa sortie mondiale, Hush est la nouvelle bobine horreur/thriller de Mike Flanagan, qui s'est déjà illustré par Absentia (2012) et Oculus (2014). C'est un home invasion qui démarre avec de fortes ambitions et à l'arrivée, aura surtout utilisé ses atouts comme gadgets – évitant intelligemment la platitude et la banalité, mais n'y échappant pas suffisamment pour être plus qu'une petite anecdote. Le film montre un état de siège plutôt qu'une invasion classique, d'où son intérêt au-delà de l'intensité 'normale' dans ce secteur. La mise en scène s'attache à refléter la pression plaquée contre l’héroïne, une sourde-muette devenue romancière à succès. Son isolement sensoriel et ses méthodes d'écrivain sont mis à profit pour enrichir l'expérience du spectateur.


Ce détachement subi décuple la menace, le tueur ayant a-priori une longueur d'avance suffisante pour prendre le risque de jouer. Le toucher et les vibrations, les 'sous' bruits (ou 'infra') prennent le relais pour elle. Le spectateur y est introduit carrément, ou sensibilisé ; sur la durée il a conscience de son avantage sensoriel, apprécie autrement les sons, aidé en cela par la post-production. À de nombreuses reprises les bruits sont ressentis par nous comme par elle. Son souffle, ses pas, les objets qu'elle bouscule ; les sons naturels, les froissements, etc. Pour l'agressée la tâche est d'autant plus rude qu'elle doit garder l'esprit froid et tout le corps aux aguets ; elle ne doit pas faire un de ces bruits que lui seul entendrait. Comme films à sensations Hush a donc sa touche remarquable, mais dans le genre il peut frustrer car il impose la concentration au détriment du tout-viscéral et des enchaînements brutaux.


C'est aussi pour des raisons directement traduisibles sur papier qu'Hush peut laisser circonspect. Passé les charmes de cet habillage atypique (qui d'ailleurs ne va pas jusqu'à la pureté), Hush reste indolent et assez égal dans son déroulement. Il fait le coup du voisin pas très habile – avec un certain succès. Grâce à la voix intérieure de Maddie (Kate Siegel), à ses anticipations et parfois ses tentatives, la machine sait se relancer ponctuellement, puis définitivement avant une issue assez poignante où quelques verrous sautent. Le tueur (par John Gallager Jr) est à la fois un pseudo boogeyman médiocre et un motif de dégoût, donc de mobilisation de l'attention, très puissant. C'est un type terriblement fade, décevant éventuellement pour ça, repoussant au travers de cette qualité.


Manifestement il a construit son délire, méditée son attaque, travaillés ses instruments – qui ne facilitent pas la tâche, mais ont vocation à 'l'amuser', à doper le délire, transformer la simple agression en chasse malgré le quasi surplace attendu. Il a mûri ce plan et l'applique avec recul et conscience, ce n'est pas le psychotique de service ou un exalté. C'est un gars 'invisible', dur et taciturne avec l’œil mauvais, lucide sur sa faiblesse et sa banalité, qui passe à l'action. Lors du long moment où il découvre son visage, son expression laide met un coup et en même temps, voir le bourreau est comme rien ; car il n'est pas identifiable, même pas tellement effrayant. C'est l'indifférent se donnant des droits sur vous, ce qui produit un vertige et une espèce de blanc qu'un taré plus marqué n'autoriserait pas. Aller chercher cet effet-là est finalement tout aussi payant que de jouer sur le grotesque – et son masque pourtant était éloquent, digne d'un boucher citoyen des American Nightmare (produits également par Blumhouse).


https://zogarok.wordpress.com/2016/12/26/hush-pas-un-bruit/

Créée

le 25 déc. 2016

Critique lue 716 fois

2 j'aime

Zogarok

Écrit par

Critique lue 716 fois

2

D'autres avis sur Pas un bruit

Pas un bruit
Laura_Emilie
4

Critique de Pas un bruit par Laura Emilie

J'ai beau aimer le cinéma de genre, je me demande de plus en plus souvent pourquoi je continue à regarder obstinément ces films. Non pas que le genre ne me sied plus, mais parce qu'il est de plus en...

le 12 avr. 2016

33 j'aime

11

Pas un bruit
You-me-the-violence
9

Can you lip-read me?

Ahhh le home-invasion... Sous-genre du cinéma d'horreur plutôt prospère ces dernières années et qui déçois bien souvent avec des films comme "American Nightmare 2 : Anarchy" "White Settlers",...

le 16 avr. 2016

22 j'aime

4

Pas un bruit
BrunePlatine
7

Write on, Maddie

Malgré quelques trous d'air dans le scénario, des invraisemblances (classiques, dans ce genre de films) et des comportements irrationnels (bis repetitam), Hush est très clairement une excellente...

le 20 févr. 2017

19 j'aime

Du même critique

La Haine
Zogarok
3

Les "bons" ploucs de banlieue

En 1995, Mathieu Kassovitz a ving-six ans, non pas seize. C'est pourtant à ce moment qu'il réalise La Haine. Il y montre la vie des banlieues, par le prisme de trois amis (un juif, un noir, un...

le 13 nov. 2013

49 j'aime

20

Kirikou et la Sorcière
Zogarok
10

Le pacificateur

C’est la métamorphose d’un nain intrépide, héros à contre-courant demandant au méchant de l’histoire pourquoi il s’obstine à camper cette position. Né par sa propre volonté et détenant déjà l’usage...

le 11 févr. 2015

48 j'aime

4

Les Visiteurs
Zogarok
9

Mysticisme folklo

L‘une des meilleures comédies françaises de tous les temps. Pas la plus légère, mais efficace et imaginative. Les Visiteurs a rassemblé près de 14 millions de spectateurs en salles en 1993,...

le 8 déc. 2014

31 j'aime

2