Passengers est un film qui fait beaucoup parler de lui mais pas pour les bonnes raisons. C'est un film qui, en apparence, n'avait pas grand chose pour faire de vagues et qui s'annonçait comme de la SF classique et pourquoi pas divertissante. Mais il se révèle comme un vrai déclencheur de polémique et engendre quelque chose qui dépasse même la qualité intrinsèque du produit. Que Passengers soit bon ou mauvais n'importe plus, il est problématique. Pourquoi ? Parce qu'un homme cisgenre blanc, symbole du patriarcat, réveille une jeune femme, jolie qui plus est, pour ne pas à avoir à mourir seul lorsqu'il se retrouve isolé sur un vaisseau spatial lors d'un dysfonctionnement qui l'a fait se réveiller 90 ans avant les autres. Beaucoup parle donc d'un film sexiste et dérangeant sans pour autant faire la démarche de se mettre à la place des personnages. Que ferions-nous dans une telle situation ? Et si le tout avait été inversé, que le femme se réveillait avant. Prendrait-elle le risque de réveiller quelqu'un ou accepterait-elle de mourir seule ? Une polémique qui naît d'une réflexion de surface car bien sûr qu'on réveillerais quelqu'un avec qui on sent une affinité, physique ou spirituelle, et bien sûr que cela est dérangeant car totalement injuste mais ce besoin de contact est inhérent au genre humain.


Surtout que le film ne glorifie jamais la décision du personnage, est le montre d'ailleurs de manière assez pathétique. Pourtant une empathie se crée avec lui, grâce à une première demi-heure habile où le personnage doit se faire à sa solitude et essaye de trouver un moyen de se "rendormir". Même si le tout est bien trop forcé dans la manière d'aboutir à la situation où il réveillera le personnage de Jennifer Lawrence car on a du mal à croire qu'avec une telle entreprise, un voyage de 120 ans, la compagnie ne soit pas paré à toute éventualité. Le fait que l'on ne peut pas se rendormir car la compagnie était sûr de la fiabilité des modules d'hibernation et n'a pas pensé à mettre un protocole de secours et grossier révélant le premier problème du film. Le scénario ne soigne pas les détails et fait preuve de beaucoup de facilités ou fainéantise pour que l'histoire puisse fonctionner. Surtout que passé la première demi-heure assez efficace, le film perd en saveur lorsque que le personnage réveille sa partenaire. Rester sur le dilemme moral aurait été plus judicieux, le film ayant plus de matériel pour être un court métrage astucieux qu'un long métrage digne de ce nom. Car une fois les deux personnages réunit, le film met de côté sa réflexion pour tomber dans des artifices classiques pour faire naître la romance entre eux.


Le film devient assez inintéressant surtout que l'alchimie entre les deux acteurs n'est pas des plus évidente. Chris Pratt fait pourtant de son mieux et prouve qu'il peut jouer des émotions et ne pas être que le rigolo de service. Il est probablement dans sa meilleure prestation, même si elle est loin d'être mémorable, elle reste convaincante. Jennifer Lawrence est quand à elle plus dans la recherche de la performance. Elle commence à faire entrevoir les limites de son jeu car elle reste dans les mêmes registres que ce dont elle nous a habitué dans le passé. Elle peine à se renouveler et n'est pas aidé par l'écriture aléatoire de son personnage. Car même si le postulat n'est pas aussi problématique qu'on peut le dire, le traitement lui l'est. Quand elle découvre la vérité, on retourne dans une forme de noirceur bienvenue. La colère du personnage est justifiée et l'homme n'a jamais paru aussi pitoyable surtout quand il tente de s'expliquer. Une telle situation ne s'explique pas par le romantisme mais par le pure égoïsme. Mais la partie où les deux se déchirent est plutôt juste dans l'ensemble. C'est la résolution qui vient déranger. Rester dans l'ambiguïté et avoir une fin amère aurait été plus judicieuse mais blockbuster oblige, un élément va venir pousser les personnages à collaborer pour leurs survies ce qui va les entraîner à renouer et à offrir une happy end déroutante.


En terme de pure science-fiction, le film n'est pas non plus des plus inventifs. Il affiche clairement ses influences et pioche un peu partout pour venir construire son univers. Le final n'est pas aussi spectaculaire qu'il le voudrait mais arrive quand même à divertir même si scénaristiquement il apparaît en trop. Après Morten Tyldum distille ici et là quelque bonnes idées de mise en scène, notamment dans sa manière de jouer avec l'absence de gravité par moments. La réalisation dispose d'une photographie léchée et une musique de Thomas Newman qui accompagne bien le récit mais le tout impressionne surtout par la fluidité des mouvements de caméra. Souvent aériens, ils s'affranchissent des lois de la physique pour naviguer autour du vaisseau et offrir une mise en scène dynamique et un rythme soutenu. On a déjà clairement vu le mieux dans le genre mais Tyldum s'impose comme un faiseur d'image consciencieux qui fait son travail convenablement mais sans génie.


Passengers est un divertissement tout juste moyen et qui effectivement pose problème avec le traitement de son postulat, même si celui-ci se révèle un dilemme moral intéressant et source de questionnement assez profond. Mais il faut faire l'effort de cette réflexion et ne pas s'arrêter qu'à ce que le film nous montre. Car celui-ci reste en surface des choses et malgré quelques élans de noirceurs reste un blockbuster pour tous. Malheureusement ce n'est pas ce qu'il réussi le plus, faute à un manque d'inventivité et de précision à tout les niveaux. Reste un casting convaincant mais qui ne marque pas les esprits et une mise en scène maîtrisé qui sait se montrer efficace à défaut d'avoir une quelconque once d'originalité.

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le 29 déc. 2016

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Flaw 70

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