Brian de Palma est le seul metteur en scène qui me donne à chaque fois envie de pleurer. Tantôt de bonheur, tantôt de déception.
Tout est beau dans le film : les filles, les plans, la musique, le montage TOUT. Mais c'est d'un chiant ! C'est De Palma qui s'auto-cite, voire qui s'auto-kiffe, à croire que c'est la tendance. En maestro de la mise en scène, il nous fait faire le tour du propriétaire : le petit De Palma illustré, un panorama de toutes ses virtuoses prouesses qu'on a déjà vues et aimées dans ses autres films. Ça finit par créer une espèce de vide où la seule émotion qui nous soit donnée de ressentir est "ouais bon, pas mal", un peu comme quand on écoute du jazz d'hôtel 5 étoiles : c'est joli mais ça ne dérange pas le monde qui mange.
Nombre de petits parleurs pressés avaient vu en Eyes Wide Shut un film bâclé, un porno chic intello dans lequel Kubrick a montré au grand jour une misogynie latente depuis des années. C'est simplement ne rien comprendre du tout. C'est se planter lamentablement et se faire piéger par la nudité affichée du film. Avec Kubrick on touche à l'équilibre du couple, son intimité dans ce qu'elle a de plus précieux. Et plus important : Eyes Wide Shut est le seul film de Kubrick où la femme est la salut de l'homme et non sa perdition.
Au mieux c'est confondre Kubrick avec De Palma, lequel a de nombreuses fois filmé les femmes en voyeur, sans leur donner le dixième de l'épaisseur que Kubrick accordait à ses personnages féminins.
Passion est tout à fait le genre de film sur lequel une poignée de penseurs du cinéma qui aimèrent le grand De Palma pourront s'extasier parce que certes, c'est très bien fait : c'est érotico-chic, fétichiste moderne, polar TV de luxe traversé de quelques éclairs de génie, les nostalgiques de De Palma vont adorer. Les contours sont parfaits mais on ne ressent juste NIENTE. La seule idée vraiment marrante arrive avec le split screen, on a l'impression d'être sous acide, mais là encore rien de nouveau sous les soleil de De Palma.
Ça aurait pu être un bon film il y a 30 ans, à l'époque de Pulsions, du merveilleux Blow out. Mais aujourd'hui c'est juste chiant. Aujourd'hui c'est du cinéma qui se touche.