J’ai eu peur de le rater. Deux mois après sa sortie, ce film déjà peu médiatisé risquait de me filer entre les doigts avant de ne plus être distribué au cinéma. Fort heureusement, habiter la capitale a pour avantage d’éviter ce cas de figure. J’ai, depuis Star Wars VII : Le Réveil de la Force, développé une certaine affection pour Adam Driver, acteur au physique particulier, mais attachant et talentueux, qui multiplie les rôles et qui fait partie des stars montantes d’Hollywood. Après l’avoir vu dans des seconds rôles dans Midnight Special et Silence, j’étais intrigué à l’idée de le voir dans le rôle principal de ce Paterson.


Paterson nous fait suivre le quotidien d’un chauffeur de bus, lui-même nommé Paterson, habitant la ville de Paterson, dans le New Jersey. Le film se scinde en huit, chaque partie racontant une journée dans la vie de Paterson, sur une semaine entière. D’emblée, le spectateur crée un lien avec ce personnage banal, modeste, sympathique et attachant, auquel n’importe qui peut aisément s’identifier. Paterson est un loser, mais un loser que l’on veut voir réussir, avec lequel on sourit et on pleure.


L’intrigue du film est très linéaire, racontant un jour après l’autre la vie de Paterson, dans un quotidien routinier, retransmis dans le film à travers des répétitions nous faisant ainsi partager cette existence à la fois monotone et paisible dans une petite ville de province. La poésie est la passion secrète de Paterson, se manifestant à travers la création de poèmes devant le spectateur. Rapidement, celui-ci est interpellé pour deux raisons. La première, c’est qu’il se rend compte que le héros semble encore être un poète amateur et peu talentueux. Mais vient alors la seconde raison (et question) : quels sont les critères qui font qu’un écrit banal devient un poème à part entière ?


Un poème c’est avant tout un écrit racontant de manière plus ou moins fantasmée des éléments et des parcelles de nos vies, et faire vivre des émotions à travers la maîtrise du verbe. Suivant ce schéma, on se rend compte que le film entier se déroule comme un poème, racontant une histoire banale, dans une ville banale, avec un héros banal, mais avec une touche de finesse, de mélancolie et d’humour, qui rend toute cette banalité apaisante et attrayante.


A travers le choix de nommer le héros « Paterson », comme la ville où il habite, je vois comme une métaphore dans la présentation du héros qui, bien qu’humain, peut tout à fait être imaginé comme étant une représentation de la vie de la ville elle-même. Il se lève avant tout le monde, se couche après tout le monde, écoute les gens mais jamais ne s’expose. De plus, son métier fait qu’il conduit tous les jours des gens de la ville pour les accompagner dans leur quotidien, comme la ville et son fonctionnement impose cette routine à ses habitants.


Finalement, Paterson est un film relativement banal, mais qui se laisse allègrement regarder. Loin de la perfection, il semble cependant jamais chercher à l’atteindre ni à prétendre répondre à des ambitions démesurées. Le fait qu’il se contente de narrer le quotidien de Paterson nous fait justement sortir du nôtre et son ton poétique nous apaise. On regrettera une touche d’humour un peu trop poussive car trop basée sur les réactions et l’attitude du chien de Paterson mais, dans l’ensemble, le film propose un joli petit moment de cinéma.

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le 20 févr. 2017

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JKDZ29

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