Voilà un film qui, malgré ses qualités, n'est pas parvenu à gagner pleinement mon adhésion, aussi pour être la plus honnête possible envers une oeuvre qui ne manque ni d'intérêt, ni d'intelligence, vais-je tout d'abord vous faire part de mes réticences avant de conclure sur les éléments qui m'ont séduite. Commençons par ce qui m'a bloquée dès le départ : la discordance entre le son et l'image. A cause de l'extrême simplicité du graphisme en noir et blanc, les voix des actrices ( Catherine Deneuve, Chiara Mastroianni et Danielle Darrieux ) semblent venir d'ailleurs et ne pas coïncider avec les petits personnages qu'elles sont sensées animer et, je l'avoue, cela m'a agacée. D'autre part, ce qui aurait pu donner un vrai relief à cette odyssée se noie dans un conformisme qui finit par enlever au film une part de son originalité, d'autant que la succession des sketchs et flash-backs n'ont d'autre fil conducteur que la chronologie des événements, sans que cela donne lieu à une réflexion particulière sur leurs conséquences. Les faits s'enchaînent de manière très linéaire et on se lasse assez vite de ce narratif composé d'une imagerie trop plate. Il en est de même des personnages qui, eux aussi, manquent de relief et restent, à mon goût, trop conventionnels, ne donnant pas suffisamment d'impact aux paradoxes d'une époque troublée.


Néanmoins, le caractère volontairement naïf des dessins n'est pas sans émouvoir, ni la réalité des faits sans nous toucher infiniment, même si la leçon qui s'en dégage reste d'un retentissement limité. Mais il faut souligner qu'il s'agit là de l'histoire vue par une enfant, puis une adolescente, et que nous devons relativiser et séparer le politique de l'intime. L'auteure ( qui est déjà celle des quatre albums de bande dessinée dont ce long métrage s'inspire ) a choisi de nous narrer le destin de l'Iran contemporain en partant de son histoire personnelle, supposant - sans doute à juste raison - que le spectateur s'identifierait plus facilement à l'héroïne et ses proches qu'à un peuple en général et qu'il parviendrait ainsi à mieux intérioriser ce vécu particulier. C'est d'ailleurs ce qui est arrivé : le film ayant un succès constant auprès du public depuis le Festival de Cannes, où il fut ovationné et primé. En conclusion, cette oeuvre d'animation auto-biographique mérite d'être vue en famille pour son charme, sa poésie, son hymne à la liberté et parce qu'elle est une page de l'Histoire saisie, dans son implacable dureté, par le regard d'une jeune fille rebelle qui, au milieu des pires épreuves, n'a perdu ni le sens de l'humour, ni celui du bien et du mal, ni l'espérance.

abarguillet
8
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le 13 mai 2015

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abarguillet

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