Un grand merci à David Lowery et son équipe pour cette oeuvre si sincère

Cela aurait très bien pu faire un running gag, mais à force de renier les reprises live signées Disney (bon aller, pour le plaisir : Alice au Pays des Merveilles, Maléfique et Cendrillon), j’ai bien peur que cela devienne lourd malgré tout le mal que j’en pense. Et même si Le Livre de la Jungle made in Jon Favreau m’a agréablement surpris (avec malheureusement Alice de l’autre côté du miroir entre temps…), il n’est plus besoin de parler de cette folie des grandeurs qui anime le fameux studio aux grandes oreilles, lui faisant perdre conscience qu’il urine ouvertement sur son patrimoine. Tout cela pour dire que je n’attendais franchement rien de ce remake de Peter et Elliott le Dragon, d’autant plus que celui-ci ne m’avait pas laissé un souvenir impérissable lors de son visionnage. Et puis la première bande-annonce est tombée, me faisant découvrir un film à tendance spielbergienne et me donnant bigrement envie. Et au final, je suis ressorti de la salle avec l’impression d’avoir vu l’un de mes films préférés de cette année, c’est pour dire !


La première chose à m’avoir interpellé dans cette version, c’est d’avoir quasiment laissé carte blanche au réalisateur David Lowery. Un inconnu du grand public qui n’a qu’à son actif Les Amants du Texas, un film totalement aux antipodes de Disney. Un bonhomme qui n’a donc jamais fait de blockbuster et qui se retrouve à la tête de l’un d’entre eux, aussi bien à la réalisation qu’au scénario. Un fait rare, soit dit en passant ! Et franchement, vu le résultat, les studios Disney ont fait le bon choix. Car David Lowery livre un véritable remake. Le genre à ne reprendre l’essentiel (l’amitié entre l’enfant et le dragon) pour livrer une histoire différente de l’originale, racontée d’une autre manière mais sans en perdre l’essence principal. Ayant compris cela, le réalisateur montre à quel point il est conscient de ce qu’il fait. Qu’il n’est pas un yes man lambda devant se plier aux exigences d’une production hollywoodienne. Et qu’il sait quoi faire avec ce qu’il a dans les mains.


Et ce qu’il accomplit avec ce Peter et Elliott le Dragon version 2016, c’est un exercice d’une simplicité plus que bienvenue. Celle qui permet la réalisation d’une superbe histoire avec peu de budget (65 millions de dollars, ce qui est largement en-dessous de ce que Disney dépense en général) car là n’est pas le plus important. Au lieu de s’abandonner à un déluge d’effets numériques baveux qui auraient nui à l’œuvre, David Lowery opte pour un tournage sans artifice, en pleine nature. Au lieu d’user d’une musique symphonique à outrance pour surjouer les émotions, le compositeur Daniel Hart préfère quelque chose de plus soft avec des intonations country (pour coller aux paysages). Au lieu de livrer de l’action à gogo, Lowery et son équipe se concentrent plutôt sur l’histoire, la relation des personnages afin de nous fournir une œuvre pleine d’humanité. En bref, avec Peter et Elliott le Dragon, le cinéaste nous offre quelque chose de sincère, et le fait avec beaucoup de savoir-faire.


D’une part, le bonhomme dirige ses comédiens comme il se doit, chacun respirant justement cette sincérité et nous touchant au plus haut point. De l’autre, il filme son histoire en alternant des plans d’une beauté visuelle ahurissante (Elliott s’envolant au-delà des nuages) et d’autres, plus intimistes. Le tout en passant par des effets de mise en scène poignants (la façon dont est filmé l’accident de voiture au début du film étonne par sa violence émotionnelle, le pouvoir du hors-champs et les bruitages), quelques éléments scénaristiques qui ont pour but de critiquer (la déforestation et notre non respect de la nature, principalement) sans que cela vampirise l’histoire principale. Il nous offre sur un plateau d’argent une œuvre qui transpire énormément de poésie et de magie pour nous émouvoir, nous faire rire et même faire verser une petite larme, à l’instar d’un certain E.T. (et je peux vous dire que la comparaison n’est vraiment pas anodine).


Mais personnellement, je dois noter une petite ombre au tableau qui empêche le film d’être à la hauteur de celui de Steven Spielberg. Et je pense que cela est dû à l’implication de Disney dans le projet car, si Lowery avait carte blanche, il ne pouvait tout de même pas faire oublier qu’il était au service du studio, adepte des bons sentiments et du happy end. Du coup, il se laisse par moment aller à des plans un chouïa « niaiseux » (gros plans sur les personnages avec zooms, avec une musique évocatrice en fond), ce qui gâche un peu l’ensemble, lui faisant perdre un peu de sa magie et de sa sincérité (qu’il rattrape aussitôt par la suite, fort heureusement).


Un grand merci à David Lowery, à son équipe et à la production de leur avoir accorder bien des libertés de nous avoir offert une œuvre qui réveille notre âme enfant dans son plus simple appareil. D’avoir fait un film sobre mais non moins prenant et sincère dans un monde fade et tellement prise de tête. De nous rappeler que le cinéma est quelque chose qui titille nos émotions, nous fait vivre via l’image et l’ambiance une histoire, tout en parvenant à surligner comme il se doit ses moments les plus forts. Et surtout, un grand bravo d’avoir prouvé qu’un remake pouvait être meilleur que l’original quand on sait dans quelle direction l’amener. En espérant juste que Disney ne poursuive pas sa logique commerciale des suites, car Peter et Elliott le Dragon n’en a vraiment l’utilité ! Tout bon rêve à malheureusement une fin, mais reste inoubliable s'il marque les esprits par les émotions qu'il transmet.

sebastiendecocq
9
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le 22 août 2016

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