J'étais très impatient de découvrir le nouveau film de l'un de mes réalisateurs favoris, d'autant qu'il s'agissait d'un retour à une forme narrative « classique » après ses deux derniers films plus « expérimentaux » vis à vis de la forme narrative dans un contexte de cinéma mainstream. De plus, il s'agissait d'une nouvelle collaboration entre Paul Thomas Anderson et Daniel Day Lewis, deux monstres sacrés du cinéma, l'un devant la caméra, l'autre derrière.


Quoi qu'il en soit, Phantom Thread est une petite bombe. Il ne m'a pas fait un effet aussi puissant que There Will Be Blood (qui reste dans mon top 10 des meilleurs films que j'ai vu de ma vie) mais j'y ai retrouvé des traces, des réminiscences dans la mise en scène, l'écriture et le développement des personnages. Car s'il y a bien un domaine dans lequel Paul Thomas Anderson excelle (en dehors de la réalisation) c'est bien l'écriture de personnages. Jamais manichéens, toujours paradoxaux, complexes, torturés de parts en parts et dont la caractéristique qui semble tous les lier est « l'obsession ».


C'est pourquoi Phantom Thread s'inscrit très dignement dans cette lignée et frappe, dés son entame, par son ambition cinématographique qui enterre à elle toute seule 80% de la production cinématographique actuelle. Enfin, on a le droit à du vrai cinéma, porté par un auteur qui regarde autre chose que son nombril et par cette capacité à instaurer du spectaculaire dans du film « de chambre ».


Face à Day Lewis, Vicky Krieps est électrisante. C'est d'ailleurs impressionnant de voir à quel point elle arrive à tenir tête sans faiblir à un acteur de la trempe de Day Lewis. Elle m'a d'ailleurs beaucoup fait penser à Meryl Streep et je pense que si elle continue sur cette voie elle est en droit de prétendre à une carrière au moins aussi grande.


Quoi qu'il en soit, Phantom Thread s'inscrit dans le contexte de la mode et de la haute couture anglaise dans les années 50, mais le sujet du film, son « coeur », c'est bel et bien la relation toxique qui lie les deux amants. P.T.A prend donc un malin plaisir à prendre son spectateur à contrepied constamment, ce qui peut s'avérer d'ailleurs parfois frustrant, mais nous permet au moins d'être en phase totale avec le personnage de Alma, perturbée par la personnalité si complexe de Reynolds.


Impossible donc de prédire les différents nœuds dramatiques ainsi que leurs résolutions, ce qui nous laisse le loisir de se laisser guider par l'intrigue, enrobée à la perfection par la réalisation de Paul Thomas Anderson et par le chef d'oeuvre musical qu'est la composition de Jonny Greenwood. A ce niveau, il est impossible de parler du film et omettre sa bande originale car elle constitue son âme. Continuellement présente, elle porte le film et ajoute une puissance de feu au montage qui inscrit le film dans un espace-temps parallèle, à mi-chemin entre le rêve et le cauchemar.


En bref, Phantom Thread est un très bon film, dont chaque talent qui y participe apporte sa pierre à l'édifice et offre au spectateur l'un des meilleurs films de l'année, si ce n'est de la décennie. Comme quoi, tous les dix ans, Paul Thomas Anderson marque le cinéma d'une pierre blanche.

Scorcm83
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le 23 févr. 2018

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Audric  Milesi

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