"Elle est retrouvée.
Quoi ? – L’Eternité.
C’est la mer allée
Avec le soleil."
Ces vers de Rimbaud se sont encrés dans ma tête, non pas par la plume du poète, mais par la pellicule du cinéaste. Ici, Arthur Rimbaud voit son âme sculptée par Jean-Luc Godard, un panoramique sur la mer en guise de marteau. Pourtant, cette sculpture n'est pas la seule chose qui m'a marqué dans ce film. "Pierrot le fou" ces 3 mots m'évoquent un tableau: une toile représentant la liberté, peinte par ces 3 couleurs que sont l'art, l'amour, la mort.


Jamais je ne me suis senti aussi libre devant un film que devant celui-là. À travers Ferdinand et Marianne (le nom n'est sans doute pas anodin), nous voyageons: nous sentons le soleil peser sur notre peau, le bois craqueler sous nos pieds, les vagues s'échouer sur la plage. Puis cette histoire d'un homme d'esprit s'ennuyant dans cette haute-société parisienne qui rencontre une amie d'enfance avant de partir avec elle vivre une histoire d'amour, loin du monde, tout ça sous la forme d’un road trip, a de quoi marquer beaucoup de personnes.


L'art sublime cette liberté et illustre parfaitement le côté cultivé de Ferdinand. C’est même ce qui caractérise Pierrot au début du film. Il y a bien sûr de nombreuses citations d'artistes, que ce soit des peintres, des poètes, des auteurs et des cinéastes (la scène de la soirée avec Samuel Fuller en tête). Mais il ne faut pas non plus oublier la réalisation du film, avec ces jeux de couleurs qui donnent une esthétique très picturale au film, notamment là encore avec la scène de la soirée avec ces lumières monochromes qui changent de couleurs quand Ferdinand change de pièce.


Bien sûr, Pierrot le fou, c’est aussi beaucoup d’amour. Karina et Belmondo sont justes excellents dans leur rôle. Il y a une sincérité dans le regard de ses acteurs que j’ai rarement vu dans un film. Il n’y a rien de mieux que cette scène mythique pour illustrer cet amour où Marianne, ennuyée, fait une sorte de caprice à un Ferdinand concentré sur ses écrits. Sincérité d’autant plus renforcée par la simplicité des dialogues, notamment le “Qu’est-ce que je peux faire ? J’sais pas quoi faire !” porté à l’écran par Karina. Puis le côté pictural appuie là encore l’amour avec ces dominances de bleus et de rouges, qui bien qu’opposées sont parfaitement harmonisées dans le cadre.


Mais ce métrage ne serait rien sans la mort, qui est omniprésente vers la fin du film.


Que ce soit les agents patibulaires, Marianne et son amant et sans oublier Pierrot,


tout le monde y passe.


Puis la scène du suicide de ce dernier


est sans doute l’un de mes moments de cinéma préférés et synthétise les autres couleurs du film:


par chagrin d’avoir perdu celle qu’il aimait, Ferdinand se peint le visage et s’enroule de de rouleaux de dynamites sur la tête avant d’allumer la mèche et d’exploser.


Pour terminer, je vais laisser Samuel Fuller expliquer pourquoi j’adore ce film : “C’est comme une bataille les films: l’amour, la haine, l’action, la violence et la mort. En un seul, c’est l’émotion.” Et ce sont les émotions que le film me transmet qui font que je l’adore.

Lulu_la_tortue
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le 27 déc. 2020

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