Pig
6.4
Pig

Film de Michael Sarnoski (2020)

Ces dernières années, Nicolas Cage est quelque peu devenu l’archétype de l’acteur aux rôles alimentaires, accumulant les rôles dans des films d’action aux petits moyens, destinés au marché vidéo, et à la qualité souvent discutable. Cependant, depuis peu, il semble se frayer dans une niche dans des films de genre plus ambitieux ou mieux reçus, tels que Mandy (2018), Color out of Space (2019) ou encore, cette année, Pig.


Entre l’affiche montrant le visage grave et empreint de colère de Nicolas Cage, et le résumé du film, nous aurions tendance à imaginer un film montrant un homme torturé, risquant de provoquer un déchaînement de violence après avoir été dépossédé de la seule créature donnant du sens à sa vie. Certains seraient même tentés d’y voir une version alternative de John Wick, avec un Nicolas Cage vengeur, quittant la forêt pour se confronter à son passé en ville. Sachez, en tout cas, que tout cela est faux, et à des années-lumière de ce que vient proposer Pig. En effet, Nicolas Cage incarne ici Robin Feld, un homme menant une vie d’ermite au cœur d’une forêt de l’Oregon, où il cherche des truffes avec sa truie, pour les revendre ensuite. Cependant, le vol soudain de sa truie va l’obliger à partir en ville pour la récupérer.


Le film propose un rythme relativement lent, posant ses plans de cet homme vivant seul dans la forêt avec sa truie, loin du tumulte de la ville, prononçant un minimum de mots dans ce prologue mutique et contemplatif. Malgré l’intervention de l’élément perturbateur, Pig maintiendra ce même rythme, montrant le lent retour de Robin dans cette civilisation justement pas si civilisée, commençant par la violence, à travers les combats de rue, avant de retrouver le raffinement qui régissait le quotidien de cet ancien chef reconnu. Pig propose un lent retour vers la civilisation, une volonté retrouvée de renouer avec l’humanité, et une capacité de la ranimer chez ceux qui l’avaient perdue.


Tout est une question de décalage dans Pig, à commencer par celui de Robin vis-à-vis des autres. Tout au long du film il restera débraillé, le visage tuméfié, comme prisonnier de sa nouvelle condition, tout comme étant mu d’une volonté de rester tel qu’il est. Malgré son allure, il se fait accueillir dans des restaurants chics, retrouvant d’anciens élèves qu’il n’hésite pas à sermonner et à secouer en les faisant reconsidérer leur condition et leur parcours, qui n’était peut-être pas celui qu’ils auraient dû choisir. Le film donne souvent lieu à des situations qui pourraient paraître grotesques, mais qui se déroulent comme si de rien n’était, usant beaucoup de non-dits pour laisser ces situations se décanter et laisser le spectateur réfléchir lui-même à ce qui est en train de se passer.


Pig est un film assez difficile à appréhender, notamment à cause de son rythme relativement lent, n’hésitant pas à étirer au maximum les scènes et les dialogues, mais aussi à cause de l’opacité de son propos, qui ne paraît pas toujours très évident à dégager sur l’instant. Malgré sa mélancolie et sa bizarrerie, le film est finalement assez positif, faisant de Robin une sorte de messager, un homme désabusé qui retrouve une étincelle d’humanité et la redistribue aux autres dans une société qui en manque. Quelque part, on regrette cette opacité qui semble volontaire, comme dans une volonté d’intellectualiser un film qui n’a pas spécialement besoin de l’être, créant une distance vis-à-vis du film mais aussi des personnages. Nicolas Cage tient son rôle, même si on ne doutait pas de ses qualités d’acteur, et la réalisation est elle-même de qualité, mais Pig laisse une drôle d’impression, s’avérant un film de bonne facture, cherchant à aller à l’essentiel et à renouer avec l’humain mais qui semble, paradoxalement, manquer d’humanité.


Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art

JKDZ29
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le 4 nov. 2021

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