Pig
6.4
Pig

Film de Michael Sarnoski (2020)

Un pitch improbable associé à Nicolas Cage ne surprend plus grand monde depuis bien des années : l’acteur fait dans la diversité la plus éclectique, et nombre de ses productions réservées au DTV ne semblent intéresser que ses fans les plus transis. Pig a le mérite de s’être fait remarquer quand certaines voix se sont fait entendre pour nous déclarer qu’on avait enfin quelque chose à se mettre sous la dent. Et en effet, bien loin de ce que pouvait laisser présager l’argument initial, à savoir un Taken avec un cochon, Pig a d’autres ambitions.


Celles-ci commencent par trop se voir, dans une ouverture qui convoque une esthétique joliment calligraphiée dans l’esprit d’un menu de restaurant gastronomique et des filtres sur la photo qui vous transforment une forêt en un catalogue pour hipster en mal de nature. La séquence de cuisine, toute en joliesse feutrée, rappelle les pires moments de Last Days of Summer, et l’on est en droit de s’inquiéter pour la suite.


Les maladresses d’écriture seront nombreuses, entre caractères trop trempés (toute la légende ravivée par le retour à la ville) et parallèles forcés (le jeune dans son rapport à son père, la mère agonisante qui renvoie au deuil de Rob), et symboliques un peu poussives.


Pig pourrait donc très rapidement s’enliser dans une intrigue en pilotage automatique, et n’en n’évite pas certains passages obligés, mais garde pourtant son cap. Entièrement rivé autour de la carrure massive d’un Cage minéral, le film fait le pari d’un rythme qui se fond sur le retrait et l’abandon du monde qu’a choisi son protagoniste. Taiseux, à distance de toutes les préoccupations de la fourmilière, Rob a fait du deuil une robinsonnade involontaire, et trouvé dans son rapport aux arbres, aux produits de la terre et à son cochon le dernier fil qui le tient à la vibration vitale. Nicolas Cage intériorise à la perfection ce choix d’existence, qui fait notamment fi de ce tout qui peut tenir à l’apparence, et va gripper toute la mécanique traditionnelle du thriller. Le visage fracassé, le cheveu hirsute, mais l’œil toujours vivace, l’homme des bois oppose à l’agitation un objectif unique, récupérer son animal, et son absence presque continuelle de discours vaut tous les arguments quant à la vanité de ses interlocuteurs. Et, pourrait-on dire, de la trame et des codes du film dans lesquels il évolue.


Le raffinement prétentieux de la cuisine moléculaire ou l’insupportable logorrhée censée expliquer aux jeunes cadres la supériorité de la musique classique sont autant de motifs renvoyant à une civilisation s’étant construite sur les discours et le divertissement au sens pascalien du terme. Les silences volontairement maintenus sur le passé du protagoniste et ses démons témoignent aussi de ce parti pris assez audacieux consistant à ne pas vouloir tout verbaliser pour aller chercher l’émotion facile.


On saura donc gré à Michael Sarnoski, dont c’est ici le prometteur premier film, de ne pas dévier de cette vérité : Pig n’est pas un récit de vengeance, mais un parcours de deuil pour un homme qui avait cru pouvoir, par une sagesse temporaire, en déjouer l’inévitable évidence.


(6.5/10)

Sergent_Pepper
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le 6 nov. 2021

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Sergent_Pepper

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