Mais pas devant Barbossa, ça risquerait de le mettre en rogne. Lui qui aimerait tant dévorer tout un cageot de pommes bien vertes.

Si vous n’avez pas vu le film, vous ne pouvez pas comprendre où est la difficulté de plonger tête la première dans une caisse de Granny Smith. Vous commencez à saisir où est l’os si je vous dis que l’histoire se passe dans les Caraïbes, région du globe éminemment connue pour ses champs de pommiers (oui, c’est écrit dans le titre du film mais on a déjà vu des titres mensongers (cf. Drive)). Là où ça se corse davantage, c’est que le dénommé Barbossa est un être maudit, qui a perdu le sens du goût depuis des lustres (il pourrait donc tout aussi bien boulotter ses chaussettes qu’il ne verrait pas la différence).

Parce que oui, Pirates des Caraïbes : la malédiction du Black Pearl, c’est une histoire de… bah de malédiction, et puis de pirates (c’est fou, ça ! Tout est écrit dans le titre). Mais attention, il ne s’agit pas de n’importe quelle malédiction ni de n’importe quels pirates. Ici, les hommes touchés par le sort sont contraints de vivre au jour le jour, immortels, incapables d’étancher leur soif, de rassasier leur faim ou d’assouvir leur désir (pas étonnant qu’ils soient de mauvais poil). Et la lune – pleine pendant toute la durée du film – révèle leur véritable nature… que je vous laisse le plaisir de découvrir.

Pour ce qui est des pirates, on nage ici dans l’authentique. Ils sont crades, ils ont des dents pourries, des balafres dans tous les sens, des organes et des guibolles en moins, le regard hépatique et, si on pouvait les sentir à travers l’écran, dégagent une odeur infernale. Des reines de beauté, en somme. Personnellement, c’est ce côté craspouille qui me fait tant adorer ce film. Pour une fois qu’une œuvre qui verse un peu dans l’historique ne nous sort pas des mecs rasés de près, au brushing impeccable et aux dents éclatantes de blancheur, j’applaudis des deux mains. Vive les miasmes !

Ceci dit, y’a quand même quelques personnages qui sortent un peu de ce carcan, mais ils ont une bonne excuse : ils ne sont pas pirates. Il y a tout d’abord « l’héroïne » (mettons des guillemets parce que dans ce premier opus, elle fait plus figure de ballot de paille que de protagoniste) : Elisabeth Swan (alias Keira Knightley, alias j’ai la bouche ouverte tout le long du film et, de temps à autre, je pousse un cri strident). Fille du gouverneur de Port Royal, elle rêve de voguer sur un navire pirate, inspirant l’écume à pleines narines, les cheveux incrustés de sel. Ensuite, nous avons le « héros » (cf. parenthèses d’Elisabeth mais remplacez le ballot de paille par un boulet) : Will Turner (alias Orlando Bloom). Assistant du forgeron de son état, il est amoureux comme c’est pas permis d’Elisabeth, depuis qu’il lui a recraché au visage toute l’eau de mer qu’il avait dans les poumons (merveilleuse rencontre). Lui, par contre, est fermement opposé à la piraterie, estimant que ses adeptes sont de fieffés gredins, qui refoulent un peu des aisselles. Et puis, il y a le père d’Elisabeth (Jonathan Pryce), gouverneur bonhomme et fou de sa fille unique ; ainsi que le commodore Norrington, militaire collet monté, chasseur de pirates, qui roule des mécaniques devant Elisabeth alors qu’ils ont au moins dix ans d’écart (mais ça ne semble choquer personne).

Cependant, ces derniers sont si propres qu’ils font pâle figure devant la ribambelle de pirates qui grouillent à l’écran. Avec leur dégaine de clochards imbibés au rhum, ils explosent littéralement la rétine du spectateur qui ne peut cependant s’empêcher de les trouver éminemment classes (enfin, moi je les trouve classieux dans leurs vieux oripeaux mités, leur sabre rouillé pendant à la ceinture). Et plus particulièrement, le capitaine Barbossa (Geoffrey Rush). Dans le commentaire audio, les producteurs parlent d’offrir un Oscar à ses yeux et je suis totalement d’accord avec cette idée. Ce mec a un regard de déjanté qui colle à la perfection à son personnage d’être maudit.

Pour tout vous dire, entre Jack Sparrow (Johnny Depp) et Barbossa, je préfère le second. Certes, Depp joue très bien le pirate maniéré et perpétuellement ivre, entourloupant tout son petit monde (les studios ont été horrifiés en voyant sa prestation au début… puis, heureusement pour nous, ils lui ont laissé carte blanche) ; MAIS, Barbossa a une classe naturelle qui le rend nettement plus digne d’être appelé « capitaine ». Rush nous offre ici un anti-héros complètement à l’image de ce que j’imaginais des pirates : loin des stéréotypes de la beauté, c’est un esprit retors qui n’a de pitié pour personne (à part peut-être son singe), craint par ses hommes de bord et qui a la rancune tenace. Plus, ce petit grain de folie qui le fait rire à gorge déployée lors du duel final entre lui et sa Némésis. Et puis j’aime son grand chapeau. En trois mots, il est génial.

A côté de ces personnages précédemment cités, on trouve une belle brochette de bras plus ou moins cassés, dont certains se démarquent assez vite du lot (au point d’être repris dans les opus qui suivront). Personnellement, j’ai un petit coup de cœur pour Ragetti : ce grand échalas borgne qui fait partie de l’équipage de Barbossa. Squelettique, il paraît stupide et naïf au premier abord, mais on découvre peu à peu – si on y fait un peu attention – qu’il a sûrement plus de culture que tout l’équipage réuni (Barbossa excepté). Accompagné continuellement de son oncle, Pintel, un être hargneux, grassouillet et à moitié chauve, ils forment tout deux le classique duo de compères idiots du méchant si cher aux studios Disney.

Sinon, il y a des bateaux partout, superbes ; l’eau et le soleil des Caraïbes, la musique bien pêchue de Klaus Badelt (élève de Monsieur Hans Zimmer) et une caméra qui ne tremblote pas pour rien, ce qui permet ainsi au spectateur de suivre ce qu’il se passe sans que son estomac ne remonte le long de son œsophage. Ce film est un pur moment de divertissement, parfaitement bien rythmé pour que le spectateur ait son lot de cascades, d’humour et d’instants calmes pour reprendre son souffle. Rien de bien folichon du point de vue du scénario mais quel bonheur pour les mirettes ! Un des rares films que j’ai vu plusieurs fois de suite sans m’ennuyer une seule seconde.

A voir, si ce n’est pour l’histoire, au moins pour les costumes, les maquillages et les bateaux. Et puis pour Barbossa (quand même).

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le 1 sept. 2014

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NicodemusLily

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