La saga évite de partir à la dérive sans toutefois hisser la grande voile

Beaucoup l’attendaient avec acharnement –d’autant plus que le film a connu quelques problèmes de production l’ayant suffisamment repoussé –, surtout après un quatrième opus à la qualité plus que douteuse. D’autres pestaient dès l’annonce du projet, jugeant que la saga aurait dû s’arrêter il y a déjà bien longtemps (ce qui est d’ailleurs le cas pour bon nombre de licences, me direz-vous). Que l’on soit d’un côté ou bien de l’autre, cela n’empêche pas ce Pirates des Caraïbes 5 de sortir dans les salles, dans le but de divertir – et d’amasser des pépètes pour les studios Disney, ne le cachons pas – mais aussi de remettre sur le devant de la scène une franchise populaire sur le point de prendre l’eau depuis quelques temps. Une remise à flots réussie pour Jack Sparrow et sa bande de pirates délurés et maudits ? Si ce cinquième épisode, intitulé pour l’occasion La Vengeance de Salazar, replonge dans ce qui a fait le succès de la trilogie initiale (celle de Gore Verbinski), il ne parvient pas à se hisser à la hauteur de ses aînés (sauf La Fontaine de Jouvence), faute de renouvellement.


Qu’on se le dise de suite, Pirates des Caraïbes 5 risque fort de (re)trouver des adeptes, le long-métrage ayant un capital sympathie certain. D’une part parce que c’est toujours un plaisir de revoir Johnny Depp déambuler dans les frusques du mythique Jack Sparrow. De le voir en mauvaise posture et de toujours s’en sortir de la manière la plus improbable et burlesque qui soit. Et de l’autre, La Vengeance de Salazar reprend ce qui faisait le sel des trois premiers épisodes. À savoir une bonne dose d’action jouant à la fois la carte de l’humour (ici, le coup du braquage de la banque et de la guillotine) et du spectaculaire (la mer coupée en deux avec le Black Pearl au bord du « précipice »). Le tout apportant bonne humeur avec des comédiens qui s’amusent comme des petits fous – aussi bien les anciens (Depp en tête mais également Geoffrey Rush et les rôles secondaires) que les nouvelles têtes (Brenton Thwaites, Kaya Scoledario et surtout le grand Javier Bardem, qui dévore littéralement l’écran à chacune de ses apparitions). Des effets spéciaux à gogo et autres aspects techniques (costumes et décors) qui misent avant tout sur l’ambition de vouloir nous en mettre plein la vue, et ce en retrouvant l’aspect piraterie de la saga (batailles maritimes, combats à l’épée…) absent de l’opus précédent. Et, encore une fois, des musiques qui envoient du pâté, même si Geoff Zanelli remplace Hans Zimmer pour ce cinquième film (le thème principal est toujours aussi jouissif !).


Mais malgré ces retrouvailles divertissantes qui assurent un minimum le spectacle, la baignade dans les Caraïbes s’avère plutôt tiède. La faute revenant principalement au fait qu’avec ce cinquième long-métrage, personne – que ce soit les scénaristes, les réalisateurs et les producteurs – n’a pris de risque. La Vengeance de Salazar ne fait que de se reposer sur les lauriers de la trilogie originale, y restant constamment attaché (essayant de raccrocher les wagons avec le couple Turner, en faisant appel à beaucoup trop de personnages secondaires…) sans pour autant éclaircir certaines zones d’ombre (le fait que l’équipage du Black Pearl soit en dehors de la bouteille et non le navire, par exemple). Tout en reprenant certains défauts, comme un scénario pour le moins brouillon à cause de retournements de situations alambiqués sortis de nulle part (l’identité du personnage joué par Scoledario, la « libération » de Salazar et de son équipage, la scène du mariage…) et le fait de ne compter que sur Sparrow (l’humour est d’ailleurs beaucoup trop porté en-dessous de la ceinture dans cet épisode, bien qu’il se montre efficace par moment), alors qu’il est inutile dans ce film, n’ayons pas peur des mots !


Et bien que l’ensemble « copie » ses prédécesseurs, il n’arrive pas à en reprendre l’intégralité de leurs atouts. Notamment question rythme, Pirates des Caraïbes 5 étant plutôt avare en séquences d’action malgré une énergie folle (que l’on doit à la musique et au panache des comédiens). Mais aussi au manque de souffle des grandes séquences, qui ne parviennent jamais à retrouver le spectaculaire des instants d’anthologie de la trilogie (les batailles navales, les attaques du Kraken, le final du 3 dans le maelström…). À cause d’une mise en scène impersonnelle, on se retrouve pour le coup avec des passages qui n’ont d’impressionnant que la surdose d’effets numériques et le travail effectué sur les décors, maquillages et consorts. Cela reste néanmoins sympathique à regarder, mais jamais nous ne retrouvons cette adrénaline, cette jouissance que chaque scène d’action nous insufflait à chaque fois. Et rien que pour ce constat, La Vengeance de Salazar déçoit, même en termes de simple blockbuster hollywoodien.


Sans être le renouveau de la franchise ni le film qui lui causera sa perte, Pirates des Caraïbes 5 est un divertissement tout ce qu’il y a de plus honorable. Usant du minimum syndical pour amuser la galerie. Quelque part, c’est amplement suffisant pour passer un agréable moment. Mais de l’autre, on aurait aimé un peu plus. Surtout que cet opus, parti comme il l’était (ses problèmes de productions, le divorce de Jerry Bruckheimer avec Disney suite à la débâcle de The Lone Ranger, le fait d’avoir les réalisateurs de Bandidas à la barre…), laissait envisager l’opus de trop. Un rattrapage qui ne sauvera malheureusement pas les meubles sur l’avenir de la franchise, ce dernier annonçant clairement un sixième film via une scène post-générique et prouvant au passage que le tout semble tourner en rond. Affaire à suivre !

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6

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