On a déjà tous rêvé de voyager dans le temps, revenir dans le passé et revivre nos souvenirs, bons et mauvais. Seul le cinéma peut exaucer ce souhait, rendre possible l’impossible. Dans Play, Anthony Marciano dresse le portrait de Max à différents moments de sa vie, filmé à travers une caméra fictive qu’il a reçu à ses 13 ans. Ne soyez pas en retard car, comme le disait si bien Léo Ferré, « Avec le temps, va, tout s’en va ».
Ce fameux bouton Play, qui donnait l’impression de pouvoir arrêter le temps, hante encore aujourd’hui plusieurs générations. Enregistrer le temps qui passe, le seul moyen de figer l’émotion, pour ensuite la revivre des années plus tard. C’est précisément ce qui a motivé le réalisateur : « Je n’écrivais pas un film pour le sortir, je couchais spontanément sur papier ce que je voulais revivre ». Né en 1979, Anthony Marciano a grandi dans un monde où le téléphone portable et internet n’existaient pas. Play vient justement restituer cette époque lointaine juste sous nos yeux et dans les moindres détails, jusqu’à conserver le grain de la qualité VHS.
La nostalgie, le rapport à l’enfance, sont des thématiques qui ont toujours été au cœur de sa filmographie. Son premier film, Les Gamins, met en scène un père de famille et son beau-fils qui plaquent tout pour redevenir adolescents tandis que Robin Des Bois, la véritable histoire revisite le personnage en détournant notre connaissance de l’histoire. Dans Play, son film le plus personnel, presque autobiographique, Anthony Marciano a dû fabriquer de faux rushs et donner l’impression aux spectateurs que les cassettes sont tout droit sorties de notre vidéothèque. La forme filmique du found-footage ré-invente la comédie romantique et permet de jouer avec les codes de différents genres, créant un impact émotionnel immédiat chez le spectateur qui se sent en confiance. Mais c’est dans son déroulé que Play va véritablement trouver sa force. Les scènes sont très courtes et centrées sur l’action, ce qui donne au montage un rythme dynamique passionnant à suivre. Anthony Marciano a su trouver un parfait équilibre entre séquences fun (l’humour est très réussi) et scène clés dans le développement des personnages. En reléguant le rôle de l’amour en toile de fond, Play se concentre davantage sur l’évolution de leur relation, devenant presque un récit initiatique de l’enfance au passage à l’âge adulte, comme la vie au final. Le spectateur traverse les années avec Max tout en retrouvant ses propres souvenirs à travers les images. L’incroyable bande son, variée et de bon goût, sert d’emphase et de « catapulteur nostalgique », nous permettant de retrouver des émotions passées par la musique comme le fait si bien Xavier Dolan.
La démarche d’Anthony Marciano de dresser le portrait d’une génération, d’aller contre le temps, de capter le moment afin de restituer l’évolution de ses personnages rappelle l’obsession de Richard Linklater, cinéaste indépendant américain qui a immortalisé l’enfance puis l’adolescence d’un jeune garçon dans l’excellent Boyhood, tourné sur 12 ans avec les mêmes acteurs. A un tout autre niveau bien sûr pour Play, mais c’est justement pour cette raison qu’un important travail de casting a été nécessaire. La véracité de son propos est effectivement renforcée par la grande ressemblance entre les différents acteurs interprétant le même personnage à divers moments de sa vie. Après 9 mois de recherches, de nombreux appels sur les réseaux sociaux et 3000 visionnages de vidéos de casting, le résultat est bluffant.
Le choix du casting est particulièrement judicieux : Prendre Max Boublil et Alice Izaaz comme duo de tête n’est pas anodin. Le premier est connu pour souvent interprété des rôles de « grands enfants » n’arrivant pas à se faire à la vie d’adulte tandis que la deuxième a un visage très enfantin, ce que Anthony Marciano confirme comme une des raisons de son choix. Tout est là pour nous embarquer dans cette réminiscence de notre passé. L’accent est mis sur le réalisme, insufflant à la mise en scène, très chorégraphiée, un sentiment intimiste et familier qui ne saura laisser personne indifférent. Anthony Marciano « construit beaucoup pour déconstruire et laisser le naturel s’installer ». Toutefois, si l’on peut reprocher quelque chose à Play, c’est que l’absence de scènes coupés se ressent au niveau du développement de certains personnages, en retrait dans la dernière partie du film, qui se termine par un dénouement assez convenu et attendu mais pas moins jubilatoire.
Play s’annonce comme la comédie populaire française de l’année, intelligente, profondément drôle et sincère. Un film générationnel certes, mais qui n’épargne personne, embarquant le spectateur grâce à de nombreux plans séquences immersifs tout en nous berçant aux rythmes d’une bande son rétro endiablée. Pour bien débuter l’année, rendez-vous dans les salles obscures dès le 1er janvier pour ce film qui vous plongera dans une heureuse nostalgie.