Plaidoyer

C'est quand même pas facile à assumer d'être la Pocahontas de Disney. Sensé être LE gros succès de son studio qui y a mis toute son énergie, il sera en fait le premier signe d'essouflement de l'age d'or des années 90's, détroné par un petit avorton de lion qui râflera la mise (et le trône, rho, elle est facile celle-là...), alors que son film à lui n'était censé être que de seconde zone... Non, vraiment, c'est pas facile à assumer. Bon, mais c'est clair, Le Roi Lion est mieux, beaucoup mieux, beaucoup, beaucoup mieux. Ce qui n'empêche pas Pocahontas d'être un bon Disney, qui a ses qualités et qui a surtout le mérite de parler d'un très joli mais dur thème, de renouveler sa formule pour dire "au revoir" au manichéisme et même de complètement renouveler son graphisme. Bilan.

Pocahontas est une adaptation très libre d'un évènement historique réel, retracé dans le journal de John Smith, qui décrira sa relation avec une petite indienne de 11 ans. Relation qui normalement, n'a rien d'amoureuse, donc, mais que le studio a, comme d'habitude, totalement remis à sa sauce en en gardant que les éléments fédérateurs. Seuls donc, les noms des protagonistes, l'époque, et le thème de la colonisation de l'Amérique par les colons et les relations avec les indiens ont été gardés. Il résulte de cette coupe un film aux thèmes forts, et sans doute un peu tabous en Amerique, posant le problème de la cohabitation entre deux peuples différents, avec tout ce que ça implique. Et en premier lieu, l'intolérance et le racisme.

La grande force du récit est clairement là. En montrant l'escalade de la violence qui se déroule entre deux peuples, et ce d'un côté comme de l'autre, sans qu'il y ait un camp de "méchant" contre un camp de "gentil". (on peut tout de même remarquer que les colons ont un peu plus de préjugés à la base, mais ils ne sont pas vraiment méchants, plutôt naifs et à la botte de Ratcliff.), donnant ainsi un aspect bien plus réaliste à la guerre que d'ordinaire chez Disney. Aussi, de l'appréhension mêlée de curiosité, les relations passeront, apres qu'un indien soit tué par un colon (un "gentil", tué par un "gentil", une première du studio), à l'hostilité et à la guerre, le tout ayant été déclenché par l'amour de Pocahontas et John Smith, démontrant la difficulté de vivre un amour multi-culturel (surtout à cette époque, on imagine bien). C'est donc un thème plutôt mature qui est traité, d'une façon simple pour les enfants, mais tout de même sombre. La scène de la chanson Des sauvages est particulièrement forte, retranscrivant la haine qui embrase les deux camps. Les indiens sont d'ailleurs représentés de manière bien moins raciste que ceux de Peter Pan. Et si l'amour va permettre une réconciliation, il ne peut pas tout. Pour la première fois chez Disney, il n'y a pas de happy-end pour les deux tourtereaux.

Autre prise de risque, le graphisme. De ce point de vue là, c'est moins reussi. En réalité, le graphisme est de bonne qualité, mais il reste que le tout est incroyablement froid, comme éloigné de nous, réduisant d'office l'empathie que nous pourrions ressentir pour les protagonistes. Ainsi, les émotions ont du mal à passer. En plus, ce graphisme carré ne rend pas service aux personnages quand ceux-ci lèvent la tête... Les décors, reussis, réussissent à retranscrire la grandeur de la nature, mais demeure eux aussi froids et au final assez pauvres, peu foisonnante. Elle manque en fait, totalement de vie. À comparer par exemple aux décors superbes de Bambi...

Les personnages, donc, manquent de proximité avec le spectateur. Mais Pocahontas reste une héroine sympathique. Parce qu'elle est forte, audacieuse, mais aussi attentionnée et entièrement dévouée à son peuple. Aussi, si son amour avec John Smith tournera à la catastrophe, elle sait se repentir de ses erreurs, et n'en devient pas totalement éblouie par l'amour, puisque son peuple restera sa priorité. En plus, elle comprend la nature. Et ça, pour moi, c'est juste la classe ! John Smith, lui, est loin d'avoir l'aura de sa compagne. Assez crâneur, mais au final creux, on ne peut pas lui enlever son courage, mais le reste de sa personnalité est anecdotique. Pas vraiment attachant, pas vraiment marquant. Dommage... Quant aux autres personnages, aucun n'est telleemnt marquants. On a ainsi quelques colons comme Thomas, un jeune qui débute et n'est pas encore bien rôdé, des indiens comme Powathan le père de notre héroine, qui sont attachants ; ou Meeko, Flit et Percy qui sont amusants mais ne servent pas à grand chose (si ce n'est à détendre les enfants dans cette atmosphère sombre et à être mignons.). Enfin, il y a le gouvetneur Ratcliff, qui n'est pas l'un des meilleurs vilains de Disney, manquant d'envergure, de menaces, et de réalisme dans son plan, surtout. Des personnages, donc, qui ne sont pas parmi les plus marquants existants.

En revanche, les chanson, et plus généralement la BO, est vraiment très bonne. Que ce soient les deux introductions, l'une pour les colons Virginia Company et l'autre pour les indiens Au son calme des tam-tams, introduisant les deux camps, Au détour de la rivière qui retranscrit les états d'ame de Pocahontas cherchant son avenir (à noter d'ailleurs une maladresse du scénario qui nous introduit cela comme ça sans nous expliquer de quoi elle parle comme second choix...), L'air du vent, beau plaidoyer pour la tolérance et le espect de la nature à la fois, ou encore la chanson de Grand-Mère Feuillage, elles sont toutes bien introduites et réussies, marquantes avec une mélodie entêtante et des paroles souvent sympathiques. La musique est également belle.

Au final, Pocahontas est manifestement un bon Disney... mais auquel il manque malheureusement un petit "quelque chose"