Des souvenirs balayés par un vent de renouveau

"Pocahontas" se situe à une croisée un peu particulière dans ses influences parmi les grands classiques Disney. Déjà, il s'agit de la première fois que Disney adapte une histoire mettant en scène des personnages historique dans un contexte réel. Néanmoins, il est parfaitement assumé aussi qu'il s'agit d'une version très romancée de cette histoire (mieux rendu par le sous-titre français "une légende indienne"), avec toutes les libertés que cela implique. Ce dernier aspect est évidemment particulièrement renforcé par la présence de Grand-mère Feuillage, un esprit vivant dans un arbre. Il est donc relativement simple de faire abstraction de l'histoire réelle pour se concentrer sur la fantaisie et le message du film même. Par contre, je peux tout à fait concevoir qu'il peut s'agir d'un film problématique à plusieurs égards, principalement aux États-Unis.
Ayant toujours été personnellement consciente que un film, aussi ancré dans l'histoire soit-il, se sert toujours de l'Histoire comme cadre à son propos, j'ai décidé de me concentrer uniquement sur ce dernier.
Et je dois dire que ce qui en ressort s'avère plutôt positif tout de même.

Déjà, j'avoue que j'apprécie toujours beaucoup cette pensée animiste des esprits de la nature qui vivent en toute chose. Qu'une version trop utilitaire de ce qui nous entoure entraîne forcément un appauvrissement de notre âme et notre façon de penser et de considérer le monde qui nous entoure. Un propos très joliment développé dans la superbe "L'air du vent", une grande réussite du film et qui a permis de garder le film dans les mémoires.

Cette chanson permet aussi d'admirer toute la palette de couleurs et le style superbe de l'animation. On sort enfin du style un peu trop cartoon des précédents pour revenir à un rendu plus proche de ce qu'on peut voir dans "La Belle au Bois Dormant", plusieurs décennies auparavant. Il y a un feeling très similaire notamment dans les décors, et un peu dans le style des personnages également.
Un changement je dois dire assez agréable et qui permet une respiration bienvenue à cette période, la variété ayant tout de même toujours été la clé de la pérennité du studio.

Je redécouvre aussi le personnage de Pocahontas, et elle m'apparaît plus resplendissante que dans mon souvenir. D'une grande noblesse, aussi bien d'apparence que de coeur, il y a quelque chose de vraiment particulier chez elle par rapport aux autres princesses. Une maturité peut-être, quelque chose de posé et plus décidé ?
Certes, elle entretient aussi une romance et se laisse porter par son coeur à cet égard. Mais elle agit aussi, prend des décisions non pas seulement pour elle et son crush, mais aussi et surtout pour son peuple. Je crois que c'est ça qui fait sa force, sa volonté de concilier bien commun et aspiration personnelle.
Sa décision finale d'ailleurs résonne particulièrement fort, dans le sens qu'elle choisit la voie pas forcément la plus évidente, mais celle qui a le plus de sens thématiquement parlant.

Dans le contexte qui est le sien, "Pocahontas" traite bien entendu de la différence et de l'incompréhension entre les peuples, mais le film aborde surtout ce qui nous rassemble en tant qu'être vivant, dans ce qu'il y a de meilleur, et aussi de pire.
Aussi effroyable que soit l'art de la guerre, il s'agit d'un langage parlé par tous les peuples de la terre, et nous ne sommes jamais aussi semblables que lorsque nous nous laissons porter par notre sauvagerie et notre peur de l'autre. La chanson "Des Sauvages" illustre d'ailleurs plutôt bien cette similitude, et cette vérité universelle trop partagée et faussée où l'ennemi, c'est forcément l'autre, et jamais nous.
Heureusement, face à cette haine, il y a aussi le sentiment le plus difficile à appréhender, aussi puissant et noble qu'il peut être destructeur, qui est bien entendu l'amour. L'amour sous différentes formes d'ailleurs, que ce soit l'amour familial (la relation fille-père possède une présence importante), l'amitié (une des rares fois où une princesse interagit avec une amie et pas juste son amoureux), et bien sûr l'amour romantique.

Si je trouve ce dernier relativement peu convaincant dans le contexte du film, avec un John Smith qui a un côté un peu "stalker" (de nouveau une ressemblance avec "La Belle au Bois Dormant"), la séparation à la fin du film apporte au moins une conclusion logique et qui donne un peu plus de poids à la relation éphémère. Néanmoins, on retrouve tout de même cet amour romantique dans la décision du chef indien d'épargner Smith, quand il entend la voix du vent ce matin-là, sans aucun doute celle de sa femme décédée. Combiné à l'amour parental pour sa fille, ainsi que le sacrifice de John pour le sauver lors de l'attaque de Radcliffe, l'amour apparaît sous différentes formes, en réponse à la colère, l'avidité et la haine de l'autre.
Est-ce un message naïf ? Non, car c'est ce cynisme qui nous empêche de réellement nous y ouvrir, et donc de combler les vides qui nous rongent.

J'ai ainsi redécouvert "Pocahontas" sous un jour assez différent par rapport à mon souvenir, et pour le meilleur. Pocahontas elle-même possède beaucoup plus de présence que dans ma mémoire, le style de l'animation m'a enchantée, l'histoire se tient bien à un niveau thématique malgré ses libertés, et les chansons sont toujours aussi belles et pleine de sens pour exprimer ce que ressentent les personnages, comme dans les meilleurs Disney.
Définitivement un vrai plaisir à revoir, et qui renforce mon plaisir et ma conviction de profiter de tous les classiques Disney sous un jour nouveau.