Voilà maintenant deux ans que je n'ai plus rédigé la moindre critique écrite, sans doute par lassitude. Deux ans plus tard, je tombe enfin sur un film qui me pousse à reprendre ma plume. C'est vous dire l'émerveillement qu'il a créé en moi. Je préfère prévenir que je dévoile dans ma critique une bonne partie de l'intrigue mais que si je me le permets, c'est parce qu'il ne s'agit pas du tout d'un film à twist ou d'un film dont l'issue de l'intrigue est très important. D'ailleurs, la majeure partie de l'histoire, on la connaît dès la scène d'introduction, et c'est plutôt la manière dont tout se déroule qui est intéressante ici. Vous pouvez donc lire la critique sans que je ne vous gâche réellement le visionnage du film.


C'est par hasard que je suis tombé sur cette œuvre de Robert Hossein : Point de chute. Petit film méconnu (en témoigne la trentaine de notes sur ce site) d'un homme davantage célèbre pour ses œuvres en tant qu'acteur qu'en tant que réalisateur, et pourtant..
Le postulat de départ de Point de chute est très simpliste. Un inspecteur de police campé par Robert Dalban arrive sur ce qui semble être une scène de crime : une cabane isolée sur une plage, des impacts de balle sur la porte d'entrée, une femme hurlant sur les bandes d'un magnéto.. Rapidement, un flash back nous laisse comprendre que l'on va suivre l'histoire d'une étudiante kidnappée et séquestrée dans cette même cabane, surveillée par un tout jeune homme mystérieux et peu bavard.


Si le synopsis peut paraître banal, le déroulé de l'histoire n'est pas si simpliste, et surtout, les idées de mise en scène sont superbement intelligentes. Le film, au-delà de cette histoire de kidnapping qui ne servira que de prétexte, nous raconte surtout la relation douce-amère naissante entre la jeune fille et le jeune homme. Parmi les idées de mise en scène géniales, on retrouve l'idée d'inversion du code couleur habituel : les scènes de l'inspecteur de police sont en noir et blanc, et tout l'histoire de Catherine et ses ravisseurs est filmée en couleurs, comme pour mettre en lumière leur relation, et ce qu'il y a de plus beau dans cette histoire sordide.
D'évidence, il s'agit de deux âmes échouées qui tentent de se raccrocher à ce qu'il y a de plus beau (sans réellement y avoir droit) dans une histoire pourtant sombre, et en cela les choix de lumières et de décor de Robert Hossein sont idéaux et reflètent parfaitement ce contraste : la cabane dans laquelle se développe ce début de relation est isolée, elle est sur une plage mais plongée dans le noir de la nuit pendant la majeure partie du film. Les éclairages apparents à l'écran sont souvent de petites lumières pour chasser l'immense obscurité (par exemple la lampe dans la cabane ou les phares d'une voiture).
Ce qui est un choix d'autant plus fort de la part de Robert Hossein, c'est de réaliser un film presque silencieux. Si le charme de Johnny Hallyday (que je découvre excellent acteur, à mon grand étonnement) et celui de Pascale Rivault s'allient à merveille, le pari est osé de les faire très peu parler. En 1H20, on n'entendra que très peu le son de leur voix, et par ailleurs parmi les rares fois où l'on les entendra, il arrivera même que ça soit en voix off. Ils ne dialogueront qu'en cas de besoin, le temps de quelques courtes répliques, parfois sans réponse. Les deux échoués semblent avoir tant de chose à exprimer, sans réussir à le faire par la parole; alors Hossein choisit l'expression corporelle à travers sa mise en scène, qui se traduira principalement par les jeux de regards, les signes ou les déplacements (on gardera en tête une course poursuite à pieds sur la plage, suivie d'une superbe marche de type "suis-moi je te fuis" qui est à mes yeux la plus belle scène du métrage). La musique d'André Hossein (père du réalisateur), également assez sobre, vient sublimer le tout.


Même si je sais qu'au vu de la faible renommée de ce film et son côté "film passé inaperçu", cette critique risque d'être peu lue, peu exposée, j'espère avoir convaincu les quelques uns qui me liront de voir ce film, et que ceux-ci tomberont sous son charme autant que moi je l'ai été. Voici, après deux ans de silence, ma petite contribution pour faire sortir de l'oubli une petite pépite de la poésie cinématographique française.

papagubida

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