Vanishing Point (Richard Sarafian, U.S.A, 1971)

Liberté : Possibilité d'agir sans scrupules, selon ses propres choix, sans avoir à en référer à une autorité quelconque, qui n'est pas étroitement contrôlé et soumis à une réglementation sévère. (Larousse)
Voilà comment pourrait se résumer ‘’Vanishing Point’’. Cri de rage libertaire, flirtant avec le nihilisme désabusé de son époque, les seventies, ce road movie lancé à pleine vitesse dans les aires désertiques de l’Ouest américain, propose un spectacle haletante et jouissif. Un trip automobile radical sous la forme d’une course poursuite d’une heure quarante,
Elle sert de fil rouge à un arc narratif peuplé de flash-back, qui en apprennent plus sur l’énigmatique Kowalski, le conducteur lancé à pleine vitesse vers la Californie, et poursuivi par la police. Car le film est avant tout l’accumulation de scène de course, de bagarre en bagnole, et d’accidents traduits par l’artifice de cascades impressionnantes.
De la sueur, du sable et de la tôle froissée, c’est les seules prétentions de ce road movie anarchique sorti entre ‘’Bullitt’’ et ‘’The Driver’’. Ayant clairement ajouté sa pièce à l’édifice de l’action en tutures. Que ce soit ‘’The Fast and the Furious’’ en 2001, ‘’Death Proof’’ en 2007 ou bien ‘’Drive’’ en 2011, l’influence du film de Richard Sarafian se perçoit à travers le temps. Même un jeu comme ‘’Driver’’ sur Playstation, en 1999, possède des liens étroits avec le film.
Avec cette odyssée homérique à l’échelle du réseau routier américain, il se fait au passage le témoin d’une Amérique malade. Notamment lors d’une scène de lynchage, où des blancs bien racistes fracassent violemment des Afro-Américains un peu trop bien intégrés, soutient solidaire du périple de Kowalski par la radio. Garnie de tubes Hard Bluesy bien dégueu, Kowalski est encouragé par le primse d’un média populaire ante-réseaux-sociaux, qui témoigne de l’unité d’un peuple du bas.
Le but que s’est fixé Kowalski l’est avant tout par goût de l’exploit et de la performance. Lancé dans une course contre lui-même, il ne tient qu’à la force du speed et des amphétamines. Il ne dort jamais, ne se repose jamais, les yeux rivés sur le bitume, et non sur le compteur, où les bandes jaunes filent à une allure folle. Ancien flic, ancien champion de Nascar, ancien motard de course, Kowalski est présenté comme un type juste et droit. Dressé face aux dérives des institutions.
Lors de la séquence finale, le nihilisme ambiant de l’œuvre explose littéralement, comme un feu d’artifice mortifère en l’honneur d’institution néfaste. Le héros est un hors-la-loi dont le crime est de rouler au-delà de la limitation autorisée (pas de terre-plein centrale, donc il devrait rouler à 80 klm/h, on est d’accord). La menace vient de fait de l’autorité fantoche de la police, bras armée d’une élite politique cherchant moins à améliorer le quotidien du peuple, qu’à protéger ses acquis.
Kowalski n’est pas un type dangereux, et il est présenté comme responsable et humain. Il maîtrise la conduite, il sait ce qu’il fait, mais le problème est qu’il fait un peu ce qu’il a envie. Il vit sa vie selon ses propres règles. Du fait il entre en dissidence d’un système dont plus personne ne se souvient réellement de pourquoi il existe. Devenant ainsi une menace à l’ordre public. Et si tout le monde commençait à faire ce qu’il a envie ? Pour certain ce serait l’anarchie. Pour d’autre cette anarchie et l’acceptation de l’absurdité de la vie humaine, serait l’occasion d’ouvrir les portes d’un monde nouveau, dominé par la paix.
Toute une séquence se déroule ainsi dans un camp de hippie, où Kowalski passe un peu de temps. C’est là, au contact de ceux qui ont refusés le diktat social d’un système à la masse, qu’il prend totalement conscience du but de son existence. De la valeur du défi qu’il s’est lancé. Ce n’est pas pour braver la loi qu’il roule à toute allure. La police même, qui le poursuit, ignore ses motifs. Il fait ça pour se découvrir lui, apprendre qui il est, afin de trouver un chemin et une perspective à travers l’existence. C’est à ce moment précis que le film bascule dans un nihilisme des plus obscurs, avec toujours cette idée de la performance. Mes actes décident ce que je suis.


‘’Think for youself & question authority’’ (Tool)


‘’Vanishing Point’’ c’est un voyage aux confins de l’âme humaine, là où elle est la plus forte, imprenable, libérée de tous les carcans physiques. Constitutions, drapeaux, frontières, régions, départements, cantons, quartiers… L’être humain n’est plus défini comme une identité, mais par ce qui fait de lui une entité constituant un tout globalisé, et généralisé. Ce qui aboutit aujourd’hui à l’adoption de mode de vie générique, de plus en plus semblable d’un bout à l’autre de la planète. Dans un confort qui n’est jamais remis en question, pourrissant inlassablement de l’intérieur.
Selon l’article premier de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, ‘’Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité’’. De cette citation il en va de chacun de pouvoir établir ses règles propres. Du moment qu’elles n’entrent pas en contradiction avec les autres. C’est ce que fait Kowalski, et “Vanishing Point” dans son ensemble, une variation de ce premier article.
Doué de raison et de conscience, faisant preuve de fraternité, il se crée une vraie solidarité entre lui et tout un peuple, qui écoute ses exploits à travers la radio. Dès lors, ce n’est plus seulement un homme lancé à toute vitesse sur les routes désertes de l’Ouest, repoussant sa Frontière à lui, mais la certitude que la liberté existe encore, et qu’elle est le dernier droit inaliénable que possède la masse populaire. Afin de trouver un sens à une existence de plus en plus éprouvée par les élites, et l’institution qui broie petit à petit les individus, pour les faire entrer poliment dans des cases, et une léthargie critique.
Nihiliste, je vous le disais.


-Stork._

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le 10 févr. 2020

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Peeping Stork

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